Critique : Pornomelancolía

Quand il ne travaille pas à l’usine, Lalo est un sex-influenceur mexicain qui se met en scène nu pour ses milliers de followers. Suite à un casting, il devient acteur porno en jouant Emiliano Zapata dans un film sur la révolution. Mais dans la réalité, Lalo semble vivre dans une mélancolie constante.

Pornomelancolía
Argentine, 2022
De Manuel Abramovich

Durée : 1h38

Sortie : 21/06/2023

Note :

PORNO GRAPHIQUE

C’est déjà sur la frontière entre fiction et documentaire que le réalisateur argentin Manuel Abramovich s’était fait repérer ces dernières années. Light Years, tourné en marge du tournage de Zama de Lucrecia Martel, ne ressemblait jamais vraiment à un making of et son court métrage Blue Boy (primé à la Berlinale en 2019) compilait des vrais/faux entretiens des clients d’un bar gay berlinois. Si ces films montraient qu’Abramovich avait suffisamment de confiance en lui pour imposer son rythme propre, on doit bien avouer avoir préféré à chaque fois leur concept (novateur) à leur exécution (finalement convenue). Pornomelancolía, son nouveau long métrage sélectionné au Festival de San Sebastian, ne fait pas exception à nos yeux.

Pornomelancolía suit le quotidien de Lalo Santos, beau mec qui a l’habitude de s’exhiber à ses abonnés les réseaux sociaux, au moment où celui-ci s’apprête a tourner son premier film porno. Abramovich filme avec la même retenue les scènes de cul que celles de la banalité du quotidien. Cela pourrait passer pour de la froideur, d’autant plus que Santos n’est pas du genre à immédiatement expliquer son ressenti, mais le regard que porte Abramovich sur lui demeure bienveillant. Ce regard-là n’échappe pas en revanche à une superficialité difficile à ignorer.

Sans commentaire ni sociologie (il n’y a ni entretien, ni voix-off) Pornomelancolía montre que l’on peut être un travailleur du sexe épanoui et pourtant être victime de solitude. Pour aboutir à cette observation sans surprise aucune, Abramovich fait parfois preuve d’humour (le porno fétichisant que tourne Lalos est stupide à souhaits, il y avait là un relief malaisant à approfondir) mais n’a pas grand chose d’autre à nous mettre sous la dent sur la longueur que des banalités. La solitude des réseaux sociaux ou celle soi-disant propre à une sexualité excessive sont déjà des clichés, la superposition des deux ne donne rien de nouveau. Le sujet du film est très contemporain mais ce mélange de fiction et doc ne l’est pas assez. Au final, cette alternance entre zizis et ennui a surtout l’air bien ringarde. Derrière son beau titre, Pornomelancolía ne manque sans doute pas de sincérité mais enfonce des portes ouvertes vers une certaine vacuité.

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par Gregory Coutaut

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