Black Movie | Critique : Pity

C’est l’histoire d’un homme qui n’est heureux que lorsqu’il est malheureux. Il est accro à la tristesse et a besoin qu’on le prenne en pitié. Lorsque sa femme tombe dans le coma, il est davantage pris en pitié que jamais auparavant. Il est alors face à un dilemme: combien de temps cette pitié va t-elle durer ?

Pity
Grèce, 2018
De Babis Makridis

Durée : 1h37

Sortie : –

Note : 

LARMES DE CLOWN

Dans la famille des nouveaux Grecs aux comédies aussi noires qu’absurdes, Babis Makridis avait été découvert il y a quelques années avec L qui faisait le récit surréaliste et improbable d’un homme séparé de sa femme et qui vit dans sa voiture. Le rictus absurde chez Makridis ne perdait jamais de vue l’humanité de ses personnages – c’est une recette une nouvelle fois utilisée dans Pity, dont le pitch est l’un des plus tordus de l’année. Un homme n’est heureux que lorsqu’il est malheureux, et la pitié qu’il suscite alors que sa femme est dans le coma constitue le plus grand bonheur-malheur possible. Mais comment l’accro au malheur survivra t-il si le bonheur s’invite à nouveau dans sa vie ?

Pity s’ouvre par des sanglots face à une vue paradisiaque. Un Droopy croque-mort est avachi face au bleu du ciel. La mise en scène de Makridis joue brillamment sur l’épure et la ligne claire, mettant en valeur l’absurdité de cette farce. Celle-ci rappelle parfois ce qu’avait accompli l’Israélien Idan Haguel sur son film Inertia, où une femme dont le mari disparaissait se découvrait… plus heureuse seule. Pity explore avec malice la part si ce n’est sombre, en tout cas médiocre de son protagoniste dont l’ego ne rayonne que lorsqu’il est au centre de tous les apitoiements.

L’un des succès de Pity est son mauvais esprit – car ce pitch méchant ne fonctionnerait certainement pas sans humeur mordante. Si le film décrit un manipulateur jusqu’à la pathologie, le réalisateur est suffisamment attaché à ce qui constitue ses personnages pour ne pas offrir qu’un malin spectacle de marionnettes. Il y a des portraits de héros – il y a ici le portrait grinçant d’une toute petite personne. Le contrepied de Makridis, plutôt qu’un geste de poseur, permet surtout de parler d’humanité autrement.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article