Critique : BlacKkKlansman

Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l’histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions.

BlacKkKlansman
États-Unis, 2018
De Spike Lee

Sortie : 22/08/2018

Note : 

INSIDE MAN

Des Blancs fragiles s’imaginant colonisés dès lors que des voix différentes s’élèvent, des mêmes Blancs fragiles qui fantasment un racisme anti-Blancs, une violence policière raciste, un territoire qu’on n’a qu’à « quitter si on ne l’aime pas » : contrairement aux apparences, BlacKkKlansman ne se déroule pas en France de nos jours mais aux États-Unis dans les années 70. Spike Lee s’inspire d’un fait réel plus rocambolesque qu’une fiction (avec son héros noir qui infiltre le KKK) et ancre son long métrage dans l’époque. C’est ici l’Amérique des Black Panthers, de la blaxploitation, des coupes afros quasi-généralisées. L’emballage est assez cool, comme l’humour qui vient parfois désamorcer la gravité du propos. Il n’y a pourtant pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour voir dans le « film d’époque » de Spike Lee un long métrage actuel avant tout.

Ce n’est évidemment pas un hasard si, au début du film, un illuminé raciste déversant sa bile est incarné par Alec Baldwin, dont l’imitation de Donald Trumpau Saturday Night Live est bien connue. BlacKkKlansman parle d’hier mais est totalement branché sur aujourd’hui : les Noirs tués comme des chiens par la police ou le terrorisme blanc qui ne dit pas son nom sont aussi pertinents aux 21e siècle qu’il y a une quarantaine d’années. C’est Colorado Springs dans les 70s qui amène aux monstruosités de Charlottesville aujourd’hui, et le cut violent qu’on observe dans le film ne s’embarrasse d’aucune ambiguïté.

Le film est-il trop épais, ses clins d’œil trop appuyés ? Difficile de reprocher au film son ton façon haut parleur lorsqu’il est produit dans l’Amérique grimaçante et cauchemardesque de Trump. On peut regretter que la forme soit un peu trop mainstream-oscarisable et manque un peu de personnalité, que la musique vienne trop tartiner certaines séquences dramatiques… mais Spike Lee semble ici chercher à faire le film le plus grand public possible et qui s’adresse au plus grand nombre. Et il a raison : son BlacKkKlansman a une dimension pédagogique essentielle, agitant les mauvais souvenirs de l’histoire raciste véhiculée par le cinéma (de Naissance d’une nation à Autant en emporte le vent), et où le récit atroce du lynchage de Jesse Washington est raconté par Harry Belafonte lui-même.

Ce n’est pas l’Amérique rassurante de Three Billboards, les panneaux de la vengeance qu’on décrit ici, où un flic raciste et psychopathe peut finalement être quelqu’un de bien : Lee tente de réveiller les consciences avec ce Cheval de Troie où la forme plutôt policée contient une rage authentique, et celle-ci est aussi pertinente là-bas qu’ici.

 

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article