Critique : Paradis

Été 2021: une canicule et une sécheresse exceptionnelles provoquent des incendies géants qui ravagent 19 millions d’hectares de terres au Nord-Est de la Sibérie. Au cœur de la taïga, le village de Shologon se voit recouvert d’un épais nuage de fumée. Les cendres noires propagées par le vent sont porteuses d’une nouvelle alarmante : la forêt est en feu, les flammes approchent. Abandonnés par le gouvernement, livrés à eux-mêmes, les habitants doivent s’unir pour combattre le Dragon.

Paradis
France, 2022
De Alexander Abaturov

Durée : 1h29

Sortie : 30/08/2023

Note :

ÇA BRÛLE

« C’est l’apocalypse zombie ! » s’écrient des enfants en un éclat de rire. Le désastre géant n’entrave que partiellement les terrains de jeu des bambins dans Paradis, mais c’est bel et bien un désastre que le Russe Alexander Abaturov dépeint dans son long métrage. Été 2021, des feux incontrôlables ravagent la taïga au nord-est de la Sibérie, tout au bout du monde. Tellement au bout du monde que la Russie n’en a que faire : secourir ces lointains habitants coûterait trop cher, ces derniers peuvent bien périr dans les flammes et l’État ne se souviendra de la région que quand il s’agira d’en piller les ressources. Un portrait de Poutine est accroché au mur d’un établissement officiel et il semble s’être étrangement échoué là.

Abaturov décrit donc des femmes et des hommes seul.e.s face à la menace. Les hommes montent sur leurs tracteurs. Les femmes mettent leurs lunettes les plus stylées pour affronter le feu. Tout cela peut paraître dérisoire mais on fait comme on peut. Lors d’une opération de brûlage dirigé, quelques individus clopent dans les bois, allongés nonchalamment comme pour un curieux pique-nique sur un volcan. Il y a parfois une relative et surprenante tranquillité qui habite Paradis. Jusqu’à un certain point : le feu progresse et les images de villages en flammes sur les téléphones finissent par glacer.

Ce sont souvent des visions impressionnantes. Un grand ciel orange devient un immense mur orange. La nuit, des lueurs crépitent dans un ciel violet. Comment sortir de cette apocalypse ? On fait appel, dans Paradis, aux divinités de la nature. On convoque un imaginaire ancestral (le feu est ici vu comme un dragon à combattre) pour faire face à une situation bien ancrée dans un présent urgent. Dans ce documentaire visuellement puissant, auteur d’un brillant parcours en festivals, Alexander Abaturov raconte avec acuité une catastrophe écologique rendue possible par une inconscience et un cynisme capitalistes.

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par Nicolas Bardot

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