Critique : Sages-femmes

Après 5 ans de formation au métier de sage-femme, Louise et Sofia se lancent dans le monde du travail. “Le plus beau métier du monde”, l’expression les fait marrer depuis les premiers stages. Les toutes jeunes femmes plongent dans la féroce réalité d’une maternité et de leur métier. Des vocations s’abîment, d’autres se renforcent. Leur amitié saura-t-elle résister à pareille tempête ?

Sages-femmes
France, 2023
De Léa Fehner

Durée : 1h39

Sortie : 30/08/2023

Note :

A BOUT DE COURSE

Très remarquée après ses deux premiers longs métrages, Qu’un seul tienne et les autres suivront (Prix Louis-Delluc et nommé au César du premier film) en 2009 et Les Ogres en 2016, la Française Léa Fehner présente son nouveau film en première mondiale à la Berlinale, dans le cadre du Panorama. Sages-femmes raconte le quotidien d’une maternité à travers les yeux de deux jeunes femmes qui viennent de terminer leur formation. C’est une porte d’entrée classique : le public est ainsi posé sur les épaules de Sofia et Louise, des débutantes qui vont apprendre la réalité brutale de leur métier – les spectatrices et spectateurs seront aspiré.e.s en même temps qu’elles.

Sages-femmes débute par des images documentaires d’accouchements mais le film, bien que très documenté, est une fiction. Le rush de la maternité est immédiat, traduit par une caméra nerveuse, un jeu tendu et un déluge de jargon. Si le film, est c’est notre seule vraie réserve, ne sort pas formellement de ce qu’on peut imaginer à l’avance d’un drame réaliste français filmé caméra à l’épaule, son efficacité est néanmoins impressionnante. L’une des preuves les plus évidentes étant qu’il est à peu près impossible, pour quiconque n’est pas familier avec la question, de comprendre les termes médicaux en pagaille employés par le personnel : le nerf fait qu’on suit sans se poser de question, en totale immersion. Le langage très technique rend compte de la réalité du terrain, mais in fine le film a de toute façon une dimension avant tout profondément humaine – comme le métier de sage-femme.

Avec intelligence, la caméra de Fehner évite le mauvais goût de l’action spectaculaire ou du suspens morbide. C’est, tout simplement, le quotidien suffocant d’une profession maltraitée et méprisée par le pouvoir. Sages-femmes raconte la pression exercée, notamment sur des personnes jeunes. L’investissement personnel demandé, la détresse, et pourtant la place de plus en plus réduite accordée à l’humain, qu’il s’agisse des soignées ou des soignant.e.s. La dimension politique du long métrage est évidente, et cela n’enlève aucunement la force du décrochage purement documentaire des poignantes dernières images du film.

Comme dans Les Ogres, qui racontait l’histoire d’une compagnie de théâtre itinérante, la cinéaste dépeint l’importance du collectif. C’est le cas de ces sages-femmes, c’est également valable pour sa distribution : tout le casting est brillant. Le résultat, puissant et grand public dans le meilleur sens du terme, est fait pour être vu par le plus grand nombre.

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par Nicolas Bardot

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