Critique : Noémie dit oui

Noémie, une adolescente impétueuse de 15 ans, vit dans un centre jeunesse depuis trois ans. Lorsqu’elle perd tout espoir d’être reprise par sa mère, Noémie fugue du centre en quête de repères et de liberté. Elle va rejoindre son amie Léa, une ancienne du centre, qui l’introduit dans une bande de délinquants. Bientôt, elle tombe amoureuse du flamboyant Zach qui s’avère être un proxénète. Fin stratège aux sentiments amoureux ambigus, Zach incite Noémie à se prostituer. Récalcitrante au départ, Noémie dit oui.

Noémie dit oui
Canada, 2022
De Geneviève Albert

Durée : 1h56

Sortie : 26/04/2023

Note :

CONDUITE NON-ACCOMPAGNEE

L’âge de Noémie n’est pas dévoilé tout de suite, il n’est même révélé exactement qu’à la toute fin du long métrage. Auparavant, tout juste exprime-t-elle à une amie son impatience d’avoir enfin dix-huit ans. Dans les premières scènes du film, elle n’est pas encore perçue par son entourage comme une adulte. Dans un centre éducatif qui pourrait tout aussi bien être une prison, on lui rappelle avec une douceur condescendante l’importance de respecter les horaires prévus, et tant pis s’il y a urgence. Or l’urgence, Noémie semble l’avoir dans les veines. Comme un animal en cage, elle hurle et se débat en cherchant une porte de sortie, avec une intensité telle qu’on se demande un instant si le personnage va rester supportable bien longtemps.

Noémie n’est pourtant plus une enfant. C’est sa mère elle-même qui le lui signifie en lui annonçant à la dernière seconde sa décision de l’abandonner pour de bon dans un foyer pour orphelins, lors d’une scène dont la brutalité cash met en valeur les comédiennes. Ni enfant ni adulte, Noémie craque et fugue pour de bon, et avec ce nouveau point de départ, c’est le film tout entier qui prend une respiration bienvenue. L’immersion de la caméra portée laisse place à des plans plus apaisés, comme si Noémie, lancée bille en tête comme sur une piste de karting, profitait enfin de ciel au dessus de sa tête et de la ville qui l’attend à ses pieds. Une autre forme de violence l’attend, mais comme le souligne les variations de mise en scène, c’est à pas feutrés que celle-ci va se présenter à elle.

Pour son premier long métrage, la cinéaste canadienne Geneviève Albert ne cherche pas à établir une enquête sociologique sur la prostitution adolescente. Sans prendre non plus le sujet du bout des doigts comme simple prétexte, elle privilégie l’angle du portrait d’ado à la dérive, évitant avec tact les interprétations psychologiques ou autres. La forme reste relativement classique, le résultat n’y va pas toujours de main morte et n’évite pas toutes les maladresses sur son chemin (le nombre de clients s’affichant progressivement à l’écran, accompagné de bruits de bolides en pleine accélération), mais le film maintient sur sa protagoniste un point de vue intelligent. Interprété avec soin et rythmé avec une efficacité notable, Noémie dit oui se suit sans temps mort.

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par Gregory Coutaut

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