Critique : Medusa

Brésil, aujourd’hui. Mariana, 21 ans, vit dans un monde où elle doit être une femme pieuse et parfaite. Pour résister à la tentation, elle s’attelle à contrôler tout et tout le monde. La nuit tombée, elle se réunit avec son gang de filles et, ensemble, cachées derrière des masques, elles chassent et lynchent celles qui ont dévié du droit chemin. Mais au sein du groupe, l’envie de crier devient chaque jour plus forte.

Medusa
Brésil, 2021
De Anita Rocha da Silveira

Durée : 2h07

Sortie : 16/03/2022

Note :

UN CRI DANS LA NUIT

Découverte avec le pétaradant Mate-me por favor, la Brésilienne Anita Rocha da Silveira (lire notre entretien) n’a rien perdu de son feu avec Medusa. Difficile de réduire un kaléidoscope aussi vertigineux à un seul sujet, mais on peut dire que le film fait le récit d’apprentissage d’une jeune fille dans une société gagnée par le puritanisme et le fascisme. Détail plutôt gonflé : il n’est pas immédiatement question de combattre la haine des femmes et l’obscurantisme dans Medusa, puisque le long métrage suit d’abord un gang de millennials fachos qui punissent les jeunes filles ayant dévié du droit chemin. Plutôt que de récit d’apprentissage, on parlera plutôt de récit de désapprentissage.

Car Medusa, comme le récent et également brésilien Divino Amor de Gabriel Mascaro, évoque la montée en puissance des églises évangéliques au Brésil. Gourous comme influenceuses viennent laver le cerveau des jeunes filles, le but ultime étant que chaque personne de sexe féminin soit une « belle et prude femme au foyer ». La secte punitive de Jésus aime ici avant tout punir les femmes, quand celles-ci n’apprennent pas à faire le bon selfie à la gloire de Dieu. La cinéaste mentionne Carrie de Brian de Palma comme l’une de ses principales références : « l’une des représentations les plus claires et les plus belles de ce que la répression et l’humiliation peuvent faire aux femmes ».

Comment la jeune Mariana, à un âge où l’on se construit, peut-elle trouver son chemin dans une telle nuit ? Car les lumières et les sensations de cette nuit sont ambivalentes, la douceur des couleurs pastel clashe avec les éclairs dramatiques, la bande son dreamy détonne bizarrement et de manière fascinante avec l’atmosphère cauchemardesque du film. Visuellement, Medusa est une splendeur d’une grande générosité, c’est un cinéma où les émotions naissent autant (voire plus) de la mise en scène que du déroulé du récit.

Medusa est un labyrinthe tout en ruptures, il est aisé de s’y perdre – mais cet égarement est délicieux. Ce qui est bancal narrativement laisse aussi entrer l’étrange et l’imprévisible ; la pure horreur, le pur teen movie et le commentaire social se mêlent avec fluidité. C’est un cinéma aux couleurs vives et intenses que Medusa évoque, la fantaisie pulp et underground de Gregg Araki, les néons ensorceleurs d’un conte de Nicolas Winding Refn, ou bien sûr Dario Argento qui est littéralement cité.

Et les adultes, dans ce récit de jeunesse à la dérive ? Tous dans le coma face aux désastres de la planète. Que reste t-il alors aux jeunes filles, aux moins jeunes, à toutes les femmes ? Un hurlement à pousser, des cris contagieux pour renverser le monde et subvertir les règles. Medusa a cette énergie et ce souffle révolutionnaires, et les Méduses sont prêtes à terroriser les salauds. Leur lutte dans ce film impressionnant de panache tambourine fort et longtemps comme lors du générique de fin.

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par Nicolas Bardot

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