Festival de Vesoul | Critique : Mariam

Après la mystérieuse disparition de son mari, Mariam, mère de quatre enfants en bas âge, est contrainte de prendre des décisions déterminantes, mais aussi de redécouvrir sa féminité.

Mariam
Kazakhstan, 2019
De Sharipa Urazbayeva

Durée : 1h15

Sortie : –

Note :

ENFIN VEUVE

Dès sa première apparition dans Mariam, l’héroïne éponyme du film de la Kazakhe Sharipa Urazbayeva (lire notre entretien) semble exsangue. Elle surgit d’un vaste décor enneigé, criant le nom de son mari disparu. Urazbayeva nous invite dans son âpre quotidien, une ferme isolée de tout et qui semble oubliée du monde. Son époux s’est volatilisé – est-il mort et la vie de Mariam va t-elle être encore plus dure ? On se prépare à un drame social hardcore, à la lente déchéance d’une femme dont les enfants regardent à la télévision des programmes où une voix promet « un miracle ». Urazbayeva décrit avec empathie, sans en faire un poverty porn, la réalité brute et sauvage à laquelle ses protagonistes sont confrontés.

On croit voir venir le film et on a tort. Mariam et ses enfants vivent dans la pénombre tandis que la mère est confrontée au cynisme avec lequel les autorités la traitent. Sans ressource, elle doit prouver la mort de son mari pour être aidée financièrement. C’est une situation tragique et absurde : ne vaudrait-il donc pas mieux que l’époux soit mort pour que sa famille survive ? Mariam, qui se caractérise d’abord par un réalisme cru, embrasse différentes tonalités inattendues, du mauvais esprit au romanesque.

On pensait Mariam ferrée en enfer à jamais, mais la façon dont Sharipa Urazbayeva filme comme une opportunité le pire des malheurs qui puisse lui arriver change le film et notre regard sur le personnage. On présume très vite, avec cette idée figée de mère-courage en tête, que Mariam sera plus triste seule qu’avec son bien-aimé. En creux, le film dépeint une émancipation possible – sans pour autant éluder la noire ironie existentielle qui gouverne la vie de toutes les Mariam du monde. Le film, autoproduit, tourné en quelques jours par une micro-équipe, concis, est fort et complexe – une belle réussite.

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par Nicolas Bardot

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