Critique : L’Autre Rio

Rio de Janeiro, août 2016. Les Jeux Olympiques d’été battent leur plein. À quelques pas du stade Maracanã, mais bien loin de l’attention internationale, une communauté de déshérités s’invente un quotidien dans un immeuble désaffecté. Malgré la misère, la violence des gangs et la militarisation du quartier, les occupants survivent avec ingéniosité et résilience. Ignorée par les reportages sensationnalistes, leur parole digne et généreuse témoigne d’un monde de béton et de lumière, où la réalité d’aujourd’hui s’estompe derrière les aspirations pour demain.

L’Autre Rio
Canada, 2017
De Emilie B. Guérette

Durée : 1h28

Sortie : 10/10/2018

Note : 

LE SENS DE LA FÊTE

Rio de Janeiro, 2016. La ville s’apprête à accueillir la planète entière pour les Jeux Olympiques – une fête à laquelle tout le monde n’est pas vraiment convié. La réalisatrice canadienne Emilie B. Guérette s’est installée dans un édifice fédéral qui a fait faillite, et qui a été investi par des gens qui n’ont plus de maison. Ce squat a une vue plongeante sur… le stade Maracanã duquel est tiré le feu d’artifice en ouverture des Jeux. En un plan et de manière assez saisissante, Guérette réunit deux mondes séparés par un mur invisible.

« Quel est ton nom ? » : la réalisatrice, dans ce documentaire d’une facture classique, donne la parole à ceux qui ont été effacés du portrait joliment vernis des JO. Derrière le faste, une barre d’immeuble sans eau courante, sans traitement des déchets. L’Autre Rio raconte le cynisme insensé avec lequel ont été traités les plus défavorisés. On fait dégager une vendeuse de bonbons qui a l’outrecuidance d’essayer de vendre trois Mentos à des touristes, on sucre les allocations familiales pendant la manifestation. Et à l’ombre de la compétition de foot organisée à quelques pas, les gamins d’ici jouent eux avec des balles perdues.

C’est un sentiment d’irréalité qui règne parfois dans L’Autre Rio. Lorsque les habitants regardent les entrechats gracieux des danseuses de GRS, c’est sur une télévision qui capte péniblement, grouillant de parasites. Ces deux réalités se déroulent-elles vraiment au même moment, au même endroit ? L’une des protagonistes se sent, elle, condamnée dès la naissance. Ça n’empêche pas la population de fêter l’or gagné par l’équipe nationale de football. Cet événement lointain devient un peu plus proche. Comme si les indésirables s’invitaient de force à la célébration.

Et maintenant, on va où ? Les JO suivants auront lieu à Tokyo. Le squat décrit par Emilie B. Guérette a depuis été rasé.

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par Nicolas Bardot

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