Critique : Civil War

Une course effrénée à travers une Amérique fracturée qui, dans un futur proche, est plus que jamais sur le fil du rasoir.

Civil War
États-Unis, 2024
De Alex Garland

Durée : 1h49

Sortie : 17/04/2024

Note :

PROFESSION : REPORTER

Après deux films de science-fiction (Ex-Machina et Annihilation) puis un film d’horreur laissant une large place à l’imaginaire (Men), Civil War semble lui aussi s’inscrire, à première vue, dans certains codes du fantastique. Le décor dépeint par le Britannique Alex Garland est celui d’un film post-apocalyptique : des villes à l’abandon, des corps au sol, des chiens errants, tandis qu’au loin résonnent des tirs menaçants. C’est aussi une dystopie, dans une Amérique où des états font sécession et où le président est acculé à la Maison Blanche. Mais l’Amérique au bord du ravin que décrit Garland, trois ans après l’assaut du Capitole par des partisans de Trump, n’a peut-être rien de réellement fantaisiste.

S’il est question d’un futur proche dans Civil War, c’est surtout la réalité urgente du film qui nous paraît familière. C’est celle d’une société hantée par les fascistes de tout poil armés jusqu’aux dents (ceux qui, dans une scène du long métrage, font une nette distinction entre les « différents types d’Américains »). Et c’est celle qu’un groupe de reporters de guerre s’efforce de saisir et transmettre. Avec à leur tête la toujours parfaite Kirsten Dunst (dans un registre plutôt différent),  ces journalistes « témoignent pour que d’autres se posent des questions ». Ainsi, le film s’ouvre par des images ressenties comme documentaires, il décrit les creux et les pics du quotidien des reporters, capte le silence hébété après un attentat, tandis que le nom du personnage incarné par Dunst est un clin d’œil à l’illustre photographe de guerre – et femme au multiples talents – Lee Miller. Ce film sur l’Amérique, c’est aussi et avant tout un hommage au reportage de guerre.

Garland privilégie donc un ton réaliste d’une brutalité sèche, aux antipodes d’une violence popcorn. Si cela peut parfois être contredit par l’utilisation ponctuelle (et à nos yeux maladroite) d’une musique en contrepoint, le parti-pris du film s’inscrit davantage dans le traitement concret et documenté d’une Kathryn Bigelow que dans le thriller viril à la Wesley Snipes. Civil War n’est pas un déluge d’action non-stop, et se démarque d’ailleurs en réussissant à être mainstream tout en s’adressant à des adultes – soit une espèce en voie de disparition dans le cinéma américain actuel.

De même, le film évite les tartines de confiture sentimentaliste. La relation entre l’héroïne interprétée par Dunst et son apprentie jouée par Cailee Spaeny (une nouvelle fois remarquable après Priscilla) se passe des clichés maternels et donne un relief bienvenu à ses personnages féminins. Qu’il s’agisse de l’efficacité (redoutable) de ce thriller ou de la manière de traiter ses thèmes comme ses protagonistes, Civil War se distingue comme un film intelligent qui trouve le meilleur équilibre entre sa générosité vis-à-vis du public et sa confiance en ce dernier. Ce thriller dense et percutant est une réussite comme on aimerait en voir plus souvent.

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par Nicolas Bardot

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