Critique : La Grâce

Un père et sa fille adolescente sillonnent la Russie à bord d’un van qui contient tous leurs biens et le matériel d’un cinéma itinérant. Ils organisent des projections en plein air dans les villages reculés. Lors de leur périple, de brèves rencontres ponctuent leur solitude. Mais leur vie va basculer sur les rives de la mer de Barents…

La Grâce
Russie, 2023
De Ilya Povolotsky

Durée : 1h59

Sortie : 24/01/2024

Note :

DE GRÂCE

Les paysages semi-désertiques traversés par les personnages de Grace ne sont pas particulièrement accueillants. Battus par le vent et le froid, ils donnent l’impression que « l’été a été annulé » comme le disent les rares habitants de la région. Ils possèdent pourtant une beauté sévère et mystérieuse et c’est une description que l’on pourrait faire du film dans son ensemble. En effet, il n’est pas forcément aisé de trouver la porte d’entrée de ce film d’errance ou rien n’est réellement expliqué, mais une certaine récompense attend celle et ceux qui acceptent de s’y perdre.

Dans ces paysages désolés d’un monde fantôme aux couleurs perpétuellement automnales, un homme et sa fille adolescente roulent à bord d’un van. On ne connait pas leur nom ni leur destination, le scénario donne délibérément très peu de contexte et les dialogues sont relativement peu nombreux. Leur van contient le matériel d’un cinéma itinérant qu’ils viennent planter bon an mal an dans des coins où seuls des rustres peuvent survivre et où mêmes les poissons sont frappés de la peste.

Le cinéaste russe Ilya Povolotsky, qui signe ici son premier film de fiction après un documentaire inédit en France, combine ici tous les ingrédients correspondant à la définition que beaucoup de cinéphiles ont d’un « grand film », c’est à dire une parabole taiseuse sur la condition humaine filmée avec lenteur et majesté dans des décors bruts (on est en droit de juger cette définition vieillotte ou imparfaite). De fait, La Grâce ploie souvent sous le poids de son propre sérieux. Plusieurs moments de grâce percent cependant, quand l’idée de faire récit est régulièrement abandonnée le temps de capter une atmosphère énigmatique, presque fantastique. Le gros grain de l’image offre alors enfin tout son potentiel poétique, mais ces précieux vertiges s’obtiennent au prix d’un rythme exigeant et d’une bonne dose d’âpreté.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article