Critique : Flee

L’histoire vraie d’Amin, un Afghan qui a dû fuir son pays à la fin des années 80 alors qu’il n’était qu’un enfant. Trente ans plus tard, désormais universitaire au Danemark, il va confier à son meilleur ami la véritable histoire de son voyage et de son combat pour la liberté.

Flee
Danemark, 2020
De Jonas Poher Rasmussen

Durée : 1h23

Sortie : 31/08/2022

Note :

LA PLACE

« Qu’est-ce que cela signifie pour vous, chez soi  ? » est une question posée très tôt dans Flee – et c’est l’une des questions centrales du long métrage réalisé par le Danois Jonas Poher Rasmussen. Le cinéaste s’entretient avec Amin qui, il y a des années, a été contraint de fuir l’Afghanistan avec les membres de sa famille – ceux, du moins, qui ont pu quitter le pays. Une scène de Flee ressemble à un début de blague potache : une famille afghane déracinée qui vit en Russie regarde des telenovelas mexicaines. Le concept du chez soi semble très (et trop) vite un vieux souvenir de plus en plus flou.

Le dispositif de Flee se penche justement de manière ingénieuse sur les souvenirs et leur représentation. Si les voix de l’entretien mené par le cinéaste avec Amin sont bien réelles, le film propose une reconstitution visuelle par l’animation. Si l’animation fixe la mémoire, elle passe régulièrement le relai aux images d’archive, celles de la grande Histoire. Mais l’animation offre aussi un autre levier, et a le pouvoir de saisir des sensations, une image fugace : une honte ou un regret. Quelque chose d’intime qui a autant d’importance que ce qui est montré par les images officielles et filmées. Cette circulation du souvenir (dessiné, filmé, dit) est à la fois émouvante et stimulante.

Le souvenir dans Flee peut être étroitement lié à une simple chanson pop, un tube increvable de a-ha, d’Ace of Base ou de Roxette associé pour toujours à un moment précis. Le long métrage marie harmonieusement le tumulte historique et les bouleversements secrets. Comme ces moments où le jeune Amin se questionne sur son orientation sexuelle et voit des murs supplémentaires se dresser autour de lui. Flee raconte avec sensibilité cet apprentissage clandestin et cette solitude universelle – mais ici c’est une solitude de plus pour ce gamin réfugié, à l’identité façonnée par des trafiquants et qui n’a plus de chez lui. L’animation, là encore, sans édulcorer le drame, apporte une distance dans cette noirceur – et Jonas Poher Rasmussen trouve la bonne place pour raconter l’histoire d’un homme qui cherche la sienne.

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par Nicolas Bardot

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