Berlinale | Critique : Dying

Cela fait longtemps que la famille Lunies n’est plus vraiment une famille. Lissy Lunies, âgée de 70 ans, est soulagée lorsque Gerd, son mari qui dépérit lentement à cause de la démence, est placé dans une maison de retraite. Mais sa liberté retrouvée est de courte durée : le diabète, le cancer, l’insuffisance rénale et l’apparition de la cécité indiquent qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps. Pendant ce temps, son fils Tom, qui est chef d’orchestre, travaille sur une composition intitulée « Dying ».

Dying
Allemagne, 2023
De Matthias Glasner

Durée : 3h00

Sortie : –

Note :

DIRE QU’ON VA TOUS MOURIR

Un film allemand de trois heures nommé tout simplement Dying (Sterben en allemand, ce qui sonne encore plus sentencieux) mais qui commence par un générique jazzy virevoltant et la vidéo Tik-Tok d’une fillette mimi qui nous invite naïvement à croire en notre cœur ? Le décès qui nous attend ici est-il une mort de rire ? On ne l’avait pas du tout vu venir, surtout de la part du très sérieux réalisateur Matthias Glasner (Le libre arbitre, La Grâce), mais Dying est effectivement par instants une impayable comédie. Une comédie burlesque, absurde, cruelle, désespérée selon les moments. Pris de court par ces gags inattendus, le public de la Berlinale n’a d’ailleurs pas cherché à cacher son plaisir lors de la première du film. Mais si cette réussite est à souligner d’un trait enthousiaste, il serait incorrect de réduire Dying à une farce. Dying est beaucoup de choses à la fois et le terme tragicomédie convient sans doute davantage à décrire ce mélange mélodramatique riche en émotions.

Dying est le nom d’une composition musicale que le chef d’orchestre Tom (Lars Eidinger, enfin de retour dans un grand rôle en allemand après une décennie quasi intégralement passée dans des films étrangers) tente péniblement de faire jouer à des musiciens encore trop jeunes pour déjà penser à la mort. Mais existe-t-il vraiment une recette pour apprendre à composer avec la mort ? Celle-ci plane justement au-dessus de toute la famille de Tom : maman est à peine autonome, papa perd la boule et sa sœur se perd dans l’alcool. Mais le problème principal de cette famille réside en réalité ailleurs : ce n’est pas l’âge ou la maladie qui les isolent les un des autres, c’est plutôt leur prodigieuse propension à se déconnecter de leurs émotions et à démissionner de toute responsabilité affective. Ce portrait collectif de personnes incapables de s’aimer parvient à n’être ni moqueur ni misérabiliste, plusieurs moments d’émotion suspendus viennent même y apporter une dimension authentiquement poignante.

Dying fait vraiment le job et n’a pas peur d’aller loin à la fois dans la tragédie et dans la comédie, et ce d’une séquence a l’autre, parfois à l’intérieur-même d’une seule scène. C’est notamment le cas d’une séquence épique (le film en compte plusieurs), où maman et fiston ouvrent leur cœur et se balancent avec maladresse des phrases passives-agressives d’une violence proprement inouïe, au milieu des chats en céramique du salon. Doit-on rire ou pleurer devant le manque de tact de ces monstres banals ? Et pourquoi pas les deux ? Dans cette séquence comme dans tout le film, la réussite du travail d’écriture (3 heures de changements de registres ambitieux qui passent comme un charme) est mis en valeur par celui des excellents comédiens. Au final, malgré son titre, sa durée et son thème, Dying est un film bien plus accessible et chaleureux qu’il n’y parait.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article