Festival New Directors/New Films | Critique : La Parra

Damián subsiste avec ses maigres revenus,. Lorsqu’il apprend la mort de son père, il retourne à Ferrol, sa ville natale, qu’il a évitée pendant plus de deux décennies. À peine arrivé, il se retrouve l’objet d’une erreur d’identité et son destin est maintenant lié à celui d’un autre dont le destin est prédéterminé.

La Parra
Espagne, 2024
D’Alberto Gracia

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

UN HOMME À LA MER

Lorsque Damián revient dans sa ville natale de Ferrol, c’est dans des circonstances à la fois tragiquement étranges (un proche est mort dans un contexte hors-normes) et après une absence longue de deux décennies. Derrière ses airs de vieux trentenaire fatigué, on devine que ni son départ à l’époque ni sa vie depuis n’ont été de tout repos. Pourtant à son retour, rien n’a changé. Cette ville côtière isolée sur une sorte de presqu’île de la côte galicienne est restée dans son jus, à tel point que même vingt ans plus tard, Damián reconnaît tout de suite la vieille pension familiale nommée La Parra (la vigne en espagnol). On aurait pourtant du mal à utiliser spontanément les qualificatifs de familier ou confortable pour désigner cet immeuble vétuste et ses habitants marginaux voire déglingués.

A La Parra, tout le monde reconnaît aussi Damián, ou plutôt tout le monde le prend pour l’homme mystérieusement décédé, dont on apprend peu à peu qu’il s’agit du propre père de Damián. Confondu avec un autre, isolé dans une petite ville qu’il a cherché à fuir toute sa vie, ce dernier pourrait se sentir pris au piège et alourdi par ce deuil. Il va au contraire traîner ses airs de grand ado ahuri à l’aventure dans les rues de la ville, qu’il arpente de nuit comme un terrain de jeux désert. A travers ces promenades loin des cartes postales ibériques, le cinéaste espagnol Alberto Gracia brosse le portrait mélancolique et absurde à la fois d’un lieu un peu perdu dans le temps, qui semble n’exister que dans son propre fuseau horaire. On ignore d’ailleurs avec exactitude à quelle décennie est supposé se dérouler l’action.

Devant la caméra de Gracia, la ville de Ferrol a parfois l’air d’être jumelée avec celle de Twin Peaks, mais moins pour sa dimension fantastique que pour son catalogue de personnages déstabilisants et attachants à la fois. A vrai dire, ce n’est pas lorsque La Parra suit ainsi les codes convenus de la comédie paranoïaque grimaçante que le film se montre le plus percutant. Le long métrage possède heureusement un art de la rupture et de la surprise qui fait mouche. Une scène de rêverie d’ivrogne peut ici donner lieu à un basculement documentaire soudain, et l’incroyable séquence d’ouverture (particulièrement prometteuse) danse avec équilibre entre humour noir et angoisse tenace. Doux-amer et finalement imprévisible, le résultat fait preuve d’un drôle de mélange de tons.

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par Gregory Coutaut

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