Critique : Disco Boy

Prêt à tout pour s’enfuir de Biélorussie, Aleksei rejoint Paris et s’engage dans la Légion étrangère. Il est envoyé au combat dans le Delta du Niger où Jomo, jeune révolutionnaire, lutte contre les compagnies pétrolières qui ont dévasté son village. 

Disco Boy
France, 2023
De Giacomo Abbruzzese

Durée : 1h31

Sortie : 03/05/2023

Note :

TRIBAL DANCE

« Êtes-vous prêt à prendre des risques » demande-t-on à Aleksei, protagoniste de Disco Boy. La question pourrait également être posée telle quelle au réalisateur Giacomo Abbruzzese (qui signe ici son tout premier long métrage, lire notre entretien) et celui-ci répondrait sans doute avec la même évidence que son protagoniste : « celui qui a peur reste à la maison ». Disco Boy n’est pas du tout le genre de film à rester sagement à la maison ou à se contenter de rester dans une case cinématographique familière, et tant mieux. A l’image de son héros, c’est un film qui défie les frontières pour notre plus grand ravissement.

Disco Boy débute en Pologne, mais Aleksei y est déjà un étranger. Citoyen biélorusse, il compte bien fuir son pays et passer clandestinement les frontières jusqu’en France. Sous d’autres latitudes, dans une jungle fantasmagorique, un homme nigérian s’engage dans une lutte terroriste. Qu’est-ce qui relie ces deux récits entre eux ? Ne privons personne du plaisir de découvrir les yeux écarquillés comment le film répond à cette question, à sa propre manière. Si le fantôme bien connu de Joseph Conrad semble planer en arrière-plan, Abbruzzese parvient le plus souvent à remixer de façon contemporaine les archétypes de films de guerre jusqu’à leur donner un visage inattendu.

Disco Boy est une ambitieuse rêverie qu’on ne peut réduire à son seul pitch ou à seul sujet. Cette réussite est une question d’écriture (les virages et les ellipses peuvent donner le vertige) et de mise en scène aussi bien sûr (le film compte plusieurs éclats sensoriels), mais ce succès est surtout collectif. Vitalic à la musique, Hélène Louvart à la photo (Disco Boy fait sa première mondiale quelques jours après qu’elle ait reçu un prix à la carrière à Rotterdam), et Franz Rogowski dans un rôle profond et énigmatique à la hauteur de son talent : ces trois bonnes fées participent autant qu’ Abbruzzese à la création d’une atmosphère magnétique.

Moins qu’un film de guerre, Disco Boy est un film de fantôme. La présence de Rogowski, acteur fétiche de Christian petzold, n’est sans doute pas un hasard tant le film emprunte à l’Ecole de Berlin sa manière de mêler fantastique, hyperréalisme et héritage historique (on pense parfois à La Maladie du sommeil d’Ulrich Köhler). Avec leurs accents venus d’ailleurs (pas un des acteurs ne joue ici dans sa langue maternelle), les personnages de Disco Boy sont traités comme des spectres où qu’il soient. Comme eux, le film se situe dans un fascinant entre deux entre le monde des vivants et celui des morts.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article