Critique : Daaaaaali!

Une journaliste française rencontre Salvador Dali à plusieurs reprises pour un projet de documentaire.

Daaaaaali!
France, 2023
De Quentin Dupieux

Durée : 1h17

Sortie : 07/02/2024

Note :

NUMÉRO D’ART

C’est l’histoire d’une journaliste amateure qui, par culot ou par inconscience totale, demande un entretien à Salvador Dali. Ce postulat de départ possède déjà quelque chose de farfelu quand on y pense, mais on n’a justement pas vraiment le temps d’y penser longtemps tant tout le reste de film pousse le curseur de l’imprévisibilité au maximum. Daaaaaali! (avec six a, pourquoi pas ?) a beau porter le nom de son protagoniste/sujet, il pourrait difficilement être plus éloigné d’un biopic classique. D’abord parce que Dupieux fait jouer le maître par cinq comédiens différents qui s’échangent ainsi le rôle parfois à l’intérieur d’une même scène. Comme si le cinéaste voulait d’emblée nous dire qu’il est impossible de contenir Salvador Dali à une seule définition, une seule interprétation.

La jeune héroïne naïve va donc se confronter à l’irréalisable, à savoir tenter de comprendre et définir le peintre espagnol à l’aide d’une interview, mais à chaque tentative celui-ci va lui glisser entre les doigts, et glisser entre les nôtres par la même occasion. Si Daaaaaali! est un « non-biopic » selon l’expression de Dupieux, c’est aussi parce que le cinéaste ne s’intéresse ici ni à la linéarité biographique, ni à la pêche aux explications. Si les peintures de Dali sont bel et bien évoquées et montrées dans le film, celui-ci s’attache davantage à sa personnalité provocante, quelque part à cheval entre folie cabotine et génie plein de panache.

Il y a cependant un autre hommage espagnol à l’œuvre dans cette comédie chaotique, il s’agit de Luis Buñuel. Autant dire un autre spécialiste de l’inconscient, que Dupieux évoque à l’aide d’une structure toute en boucles, sursauts et impasses rappelant Le Charme discret de la bourgeoisie. A force de refuser les sentiers battus, ce labyrinthe de gags fantasques menace de tourner un peu vite en rond, et ce petit agacement est souligné par va-et-vient entre les comédiens aux jeux inégaux. D’ailleurs, qu’il est étonnant de voir des gens jouer faux chez Dupieux, qui est justement un excellent directeur d’acteurs. Peut-être Dali était-il déjà tellement dans la performance outrée de sa propre personne qu’il en devient presque impossible à interpréter ? Le résultat final tire néanmoins partie de sa brièveté charmante et amusante, et du sérieux lunaire d’Anaïs Demoustier.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article