TIFF 2022 | Critique : Brotherhood

Jabir, Usama et Useir sont trois jeunes frères bosniaques nés dans une famille de bergers. Ils ont grandi avec leur père, Ibrahim Delic, un vétéran de la guerre et prédicateur salafiste. Lorsqu’il est condamné pour terrorisme, les frères sont soudainement perdus. Leur père va être emprisonné pendant deux ans, ce qui risque de changer radicalement leur vie.

Brotherhood
République Tchèque, 2021
De Francesco Montagner

Durée : 1h37

Sortie : –

Note :

GRANDS FRÈRES

Dans un paysage bucolique, fait de pâturages en fleurs et d’après-midi calmes, trois frères grandissent. Dans la ferme où ils habitent, où les bâtiments eux-mêmes semblent attendre d’être achevés, ils passent le temps en gardant les moutons, en jouant à se battre ou en s’ennuyant. Le plus jeune est encore un enfant, le plus âgé déjà un jeune adulte. Brièvement visible à l’écran, leur père devient quant à lui rapidement absent du film et de leur quotidien. La raison est finement laissée en pointillés, mais on devine que quelque chose de grave a pu se passer quelque part, loin des trois garçons et de leur chaumière.

Brotherhood est le premier long métrage de Francesco Montagner, réalisateur italien installé en République Tchèque. Cinéaste subtil mais assuré (cela mérite des louanges adéquates : il n’y a pas un plan de Brotherhood qui ne soit pas mis en scène avec éclat), il n’est pas du genre à surligner les sous-entendus. Dans ce cadre qui pourrait ressembler à une carte postale placide de la vielle Europe, il y a de quoi être surpris d’entendre des allusions récurrentes (par le journal télévisé regardé d’un œil, par des discussions pleines de non-dits) sur la peur ultra contemporaine de l’islamisme radical. Les protagonistes appartiennent à la communauté musulmane de Bosnie, mais là n’est pas le sujet du film.

Il est beaucoup question dans Brotherhood d’accepter ou non son destin, de se rebeller face aux attentes familiales, de devoir composer avec (ou sans) un père très autoritaire. Les années passent, le père ne revient pas vraiment et les jeunes garçons grandissent. Le film prend un peu trop son temps pour capter le temps, quitte à stagner à plusieurs reprises, mais il réserve plus d’une griserie au moment d’aller toucher du doigt de brusques et émouvants changements d’échelles. Quel précipice entre les désirs personnels et les besoin de la famille, entre cette ferme et le monde entier, entre la vie quotidienne d’ados et des concepts aussi gigantesques que la foi ou la prédestination, entre les années qui passent parfois en un clin d’œil. Documentaire qui ne ressemble jamais à un documentaire, Brotherhood fait preuve de suffisamment d’acuité pour nous rendre curieux de la suite de la carrière de son auteur.

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par Gregory Coutaut

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