Critique : Black Tea

Aya, une jeune femme ivoirienne d’une trentaine d’années, dit non le jour de son mariage, à la stupeur générale. Émigrée en Chine, elle travaille dans une boutique d’export de thé avec Cai, un Chinois de 45 ans. Aya et Cai tombent amoureux mais leur histoire survivra-t-elle aux tumultes de leurs passés et aux préjugés ?

Black Tea
France / Mauritanie, 2024
De Abderrahmane Sissako

Durée : 1h50

Sortie : 28/02/2024

Note :

LA TISANIÈRE

Dix ans de silence dans la carrière d’un cinéaste, ce n’est pas rien, surtout quand celui-ci fait immédiatement suite au film le plus célébré de son auteur. Il n’aurait pas été surprenant que le succès et les nombreux prix remportés par Timbuktu en 2014 viennent donner un coup d’accélérateur supplémentaire à la filmographie déjà reconnue d’Abderrahmane Sissako, et c’est pourtant l’inverse qui s’est produit. S’il a travaillé avec Damon Albarn à la création de l’opéra Le Vol du Boli, le cinéaste mauritanien n’a rien signé pour le cinéma durant cette longue période. C’est sous des latitudes inattendues que l’on retrouve aujourd’hui sa trace puisque Black Tea, nouveau long métrage présenté en compétition à la Berlinale, se déroule en Chine. Plus précisément, l’action a lieu dans la communauté africaine du quartier de Little Africa (aussi appelé Chocolate City, de façon moins diplomate) de la ville de Canton.

Tout débute pourtant sur le continent africain, lors d’une cérémonie de mariages où l’on ne distingue pas immédiatement le nombre exact de couples de fiancés, ni qui va émerger comme le ou la protagoniste. La caméra se concentre rapidement sur Aya, et tous les regards autour d’elle font de même car celle-ci se paye le culot de dire non à son futur époux à l’ultime moment, faisant éclater la bulle d’illusion de toute l’assemblée. C’est dans une autre bulle qu’Aya se retrouve transportée le temps d’un bond dans l’espace et le temps. La voilà bien intégrée à Little Africa, quartier chaleureux où différentes langues et couleurs de peau cohabitent et travaillent dans une harmonie idéale. Little Africa s’anime surtout à la nuit tombée, quand les rues, cafés et boutiques se transforment en boîte à bijoux toute en néons. Pas sûr que Sissako parvienne aussi bien que les grands maîtres asiatiques à restituer toute la poésie mélancoliques de ces océans de lumières artificielles, mais même s’il reste un peu trop en surface, son travail sur l’éclat des couleurs reste bien agréable à l’œil.

Loin de la lumière du jour, ce petit coin de paradis semble vivre comme exempté des problèmes graves du monde réel. Ce charme décontracté est à la fois une qualité inattendue et la limite flagrante de Black Tea. L’auteur de Bamako ne semble absolument pas s’intéresser à l’angle politique des relations commerciales entre Chine et Afrique. Cela ne serait pas un problème s’il remplaçait cette absence d’analyse par autre chose, mais la superficialité se retrouve aussi peu à peu dans l’écriture des personnages, tous trop lisses. Plus Black Tea avance, moins son sujet devient précis tant les trames narratives (s’agit-il d’un portrait collectif, ou d’un film romantique ?) passent et repassent au premier plan avant de disparaître. Difficile de battre à l’unisson avec le cœur du film tant celui-ci est difficile à distinguer au cœur d’une structure à la fois bizarre et assez plate.

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par Gregory Coutaut

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