Festival de Rotterdam | Critique : As We Like It

Relecture de Comme il vous plaira de Shakespeare, As We Like It suit les parcours d’Orlando, de Rose et de trois autres couples potentiels dans la métropole animée de Taipei.

As We Like It
Taïwan, 2021
De Cheng Hung-I & Muni Wei

Durée : 1h47

Sortie : –

Note :

THE POWER OF FANCY

As We Like It est une adaptation libre de Comme il vous plaira de Shakespeare. Libre, pas seulement parce que l’action est déplacée dans un Taipei futuriste aux couleurs pop et chatoyantes, où l’on ne part plus se cacher en semi-hermite dans la forêt mais où on va chercher la paix dans des zones sans wifi. Libre, le film l’est surtout car l’intégralité des rôles, féminins comme masculins, sont interprétés par des actrices. Orlando l’amoureux, l’oncle paternaliste et toute la panoplie des pages et des gaillards de cette pièce enjouée sont joués par des filles et des femmes en drag (chaussettes en guise de bulge incluses). Coréalisé par la directrice de la troupe de théâtre Shakespeare’s Wild Sisters Group, le film offre donc une inversion en forme de pied de nez à l’époque de Shakespeare, où les femmes n’avaient pas le droit de monter sur scène et où les hommes devaient se travestir pour endosser les rôles féminins.

A la base, comme il vous plaira (où plutôt comme il NOUS plaira, comme le souligne la réappropriation de ce nouveau titre) contient déjà du travestissement. Pour échapper à la cour assidue d’Orlando, Rosalinde se travestit en jeune homme. Sans la reconnaitre, Orlando se retrouve alors troublé et charmé par celui/celle-ci. En parallèle d’une déconstruction des normes de genre, la pièce parle avant tout de l’invincible pouvoir de l’amour, ou plus exactement du « Power of Fancy » comme le dit le texte d’origine. C’est à dire pas seulement l’amour, mais le désir, la fantaisie, la frivolité. Redonner chair à cette force-là, c’est précisément l’entreprise ludique de cette adaptation sucrée comme une boite de bonbons, légère mais pas superficielle.

As We Like It emprunte donc le chemin bien balisé (et un peu trop prévisible) de la romcom, quitte à prendre son temps et manquer de pétillant dans son rythme qui s’émousse gentiment. Le pétillant est en revanche présent à ras-bord dans la direction artistique. As We Like It est un superbe catalogue de soft butchs et de drag kings lookés en costard, chemise hawaïenne ou en veste de torero à paillettes digne de Pierre et Gilles. Bercé par des ritournelles lounge (dont une version au féminin de My Girl placée en ouverture), ce teenage dream lesbien et francophile surprend par ses airs de mini-conte de fées, et ne ressemble pas à ce que l’on peut voir d’habitude dans un festival de cinéma d’auteur. Félicitation au Festival de Rotterdam de l’avoir repéré et sélectionné.

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par Gregory Coutaut

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