Critique : Animalia

Itto, jeune Marocaine d’origine modeste, est confrontée à des événements surnaturels qui plongent le pays dans l’état d’urgence. Des phénomènes de plus en plus inquiétants suggèrent qu’une présence mystérieuse approche. Seule, elle peine à trouver de l’aide…

Animalia
Maroc, 2023
De Sofia Alaoui

Durée : 1h35

Sortie : 09/08/2023

Note :

TERRE ET CIEL

Il y a trois ans, le court métrage de la réalisatrice franco-marocaine Sofia Alaoui, Qu’importe si les bêtes meurent, remportait à la fois le César du meilleur court métrage et le Grand prix du Jury à Sundance. C’est à nouveau au festival américain que la réalisatrice présente aujourd’hui son premier long métrage, AnimaliaQu’importe… suivait le parcours d’un berger dans une ville désertée suite à un mystérieux grondement dans le ciel, et si Animalia n’en est pas la version longue, il semble appartenir au même shared universe.

Tout commence pourtant dans le calme d’une villa luxueuse où tout est à sa place. Tout sauf Itto, qui s’entend bien avec les domestiques mais s’efface devant le regard désapprobateur de sa belle-mère. On le comprend à demi-mots, Itto vient d’un milieu social moins aisé que celui de son mari et bien qu’elle soit enceinte, ce dernier ne fait des efforts que très restreints pour l’aider à se sentir à l’aise dans ce palais trop grand pour elle. Un jour, la belle-famille partie sans elle à un événement quelconque ne peut plus revenir au logis pour cause de route bloquée. Pour Itto qui avait tant de mal à trouver sa place, cette solitude imposée est-elle une malédiction ou une libération ?

La tempête se lève progressivement autour de l’héroïne, la poussière du désert qui l’entoure tourbillonne et le fantastique arrive discrètement mais sûrement, à travers des plans sur des animaux qui s’agitent ou d’autres, plus magnétiques, sur une nature prête à vrombir, sur un brouillard si grand qu’il pourrait en réalité être un nuage radioactif ou des fumerolles volcaniques. Sofia Alaoui n’a pas peur de l’ambition mais elle n’est pas pour autant du genre à donner plus de clés que nécessaire. La manifestation surnaturelle est indéniable, colossale, et pourtant elle ne se laisse pas aisément définir. Ce que cette irruption laisse délibérément de côté en termes de netteté (quitte à frustrer), elle le récupère en mystère.

Invasion extraterrestre ? Doigt de Dieu ? La parabole venue du ciel au cœur de Animalia n’est pas de celles qu’on peut résumer en un slogan ou quelques mots clés. Itto le dit elle-même, « C’est quoi la vie si on ne se pose pas de questions ? ». Lorsqu’elle parvient à quitter la demeure familiale, c’est comme si l’échelle du film prenait une grande respiration avec elle. Le récit devient de plus en plus ample, tout en conservant son rythme exigeant. A condition d’accepter qu’une partie de son énigme demeure insaisissable, Animalia propose au final une science fiction à la fascinante singularité.

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par Gregory Coutaut

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