Festival de Séville | Critique : A Russian Youth

Première guerre mondiale. Un jeune soldat russe perd la vue lors d’une attaque des allemands. On lui confie alors la tâche d’écouter l’arrivée des avions ennemis.

A Russian Youth
Russie, 2019
De Alexander Zolotukhin

Durée : 1h12

Sortie : –

Note :

JEUX DE GUERRE

Les images de A Russian Youth sont délavées, comme si elle venait de très loin, d’une autre époque. Comme si la pellicule était restée longtemps au soleil, les couleurs sont passées, mélangées dans un superbe sépia vintage où l’on parvient tout de même à distinguer le sang qui se mélange à la boue. Aussi court soit-il ( à peine plus d’une heure), le film est comme plongé dans une brume mystérieuse et atemporelle à l’image de certains des plus beaux films d’Alexander Sokourov, qui est ici justement producteur. Comme Kantemir Balagov, Alexander Zolotukhin fut l’élève du maitre russe, et il a pioché chez ce dernier une mélancolie bien particulière, un art de faire s’écouler le temps à travers un voile opaque et splendide.

Zolotukhin filme la première guerre mondiale en s’intéressant au hors-champs : aux visages et aux corps des jeunes garçons enthousiastes et un peu naïfs qui s’imaginent sur un terrain de jeu géant. Des garçons qui veulent vivre la grande aventure de devenir des hommes. La violence est là, les corps sont éprouvés, et pourtant le ton général reste celui d’un récit picaresque. C’est comme si rien n’était si grave que ça. Question de ce que Zolotukhin place dans le champs de la caméra, mais aussi question d’accompagnement musical. La musique ininterrompue qui accompagne les mésaventures de ces petits gars ressemble moins à une sérieuse marche militaire qu’à l’accompagnement un peu pompier d’un grand film d’aventure.Comme si tout ça n’était qu’un jeu, que du cinéma.

A l’artifice des images vieillies et à celui de cette musique un peu décalée s’en ajoute rapidement un troisième, encore plus impressionnant. En parallèle de ce film historique, Zolotukhin intègre çà et là un tout autre film : en 2018, un orchestre composé de jeunes garçons et filles russes répète un morceau de répertoire. Or il s’agit… de la musique que l’on entend depuis le début. Le film de guerre est-il alors là pour illustrer le morceau, comme un long clip, ou bien est-ce l’inverse ? Les dialogues de l’un viennent empiéter sur l’autre, et vice-versa. Là encore, les visages attentifs et souriants de ces jeunes gens prennent tout le cadre, donnant lieu à un étonnant et émouvant parallèle entre ces deux générations, deux jeunesses russes.

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par Gregory Coutaut

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