Festival du Cinéma Allemand | Critique : A Room of My Own

Tina se sent perdue dans la vie. Elle loue une chambre à Megi, grâce à qui elle commence peu à peu à découvrir la liberté et le pouvoir de prendre ses propres décisions sans dépendre des hommes…

A Room of My Own
Géorgie/Allemagne, 2022
De Ioseb « Soso » Bliadze

Durée : 1h47

Sortie : –

Note :

JF PARTAGERAIT APPARTEMENT

Toc toc, mais qui frappe à la porte ? Lorsque Tina déboule sur le palier de Megi, c’est en réponse à une petite annonce passée par cette dernière pour trouver une nouvelle colocataire. Dans ce nouveau foyer (réellement partagé par les actrices du film), très joliment mis en lumière par un éclairage bisexuel rose et bleu, Tina possède bel et bien d’emblée une pièce rien que pour elle, et pourtant on ne peut pas dire que Megi redouble d’effort pour qu’elle se sente à l’aise : amis envahissants reçus tard, musique électro laissée très fort, alcool qu’on la pousse lourdement à avaler, et même un bambin qu’on lui donne à garder sans lui demander son avis. La sympathique mais désorganisée Megi serait-elle la pire coloc ?

Toc toc, mais qu’est-ce qui se passe en réalité dans la tête de Tina ? La caméra colle à son héroïne jusqu’à insister sur son acné de grande ado (quand elle cherche à s’habiller chic, elle a d’ailleurs l’air perdue dans un déguisement d’adulte), et pourtant le scénario ne nous dévoile sa personnalité que progressivement. Bien vu. Un coup de fil, une cicatrice, des retrouvailles contrariées avec un ex : ces différents indices semés dans le film telles les graines du Petit Poucet transforment la sage Tina en un boulet de première qui tape sur le système de tous ceux qui la connaissent. Incapable de mener une conversation intéressante, de fermer un robinet, de conserver un travail, ou même d’expliquer clairement ses projets, Tina est inadaptée tel un poisson sorti de son aquarium. Les amis de Megi ne tardent d’ailleurs pas à lui poser la question qui nous brule aussi les lèvres : « mais c’est quoi ton problème ? ».

Ce postulat pourrait être celui d’une comédie ou d’un suspens paranoïaque, mais à l’image de ses deux héroïnes nuancées, A Room of My Own déjoue les attentes en choisissant sa propre voie. A l’exception d’une dimension queer plutôt inattendue, la trame du récit expliquant le parcours de Tina et son chemin d’apprentissage vers l’age adulte reste relativement classique. C’est en optant pour un ton bien particulier, à la fois acide et bienveillant, que le film se démarque avec le plus de succès. Ioseb Bliadze (lire notre entretien) fait en effet preuve de talent pour écrire des situations grinçantes sans se moquer de ses personnages, il bâtit pour ses héroïnes imparfaites mais attachantes un film/appartement bien à elles, qui ne ressemble qu’à elles.

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par Gregory Coutaut

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