Festival de Karlovy Vary | Critique : A Far Shore

Aoi, 17 ans, travaille comme hôtesse dans une boîte de nuit afin de subvenir aux besoins de son petit garçon mais aussi de Masaya, son mari paresseux et violent. La jeune femme n’a guère d’horizon, perdue à Okinawa. Quelle chance Aoi a-t-elle de se sortir de ce marasme social ?

A Far Shore
Japon, 2022
De Masaaki Kudô

Durée : 2h08

Sortie : –

Note :

HORIZONS LOINTAINS

Aoi, 17 ans (jouée par Kotone Hanase, très convaincante pour son premier rôle à l’écran), vit dans l’archipel d’Okinawa, un endroit quelque part dans l’Océan Pacifique qu’on imagine facilement paradisiaque. Le troisième long métrage du Japonais Masaaki Kudô, qui a également été assistant de Sono Sion, joue d’ailleurs habilement sur ce contraste. A Far Shore raconte les difficultés quotidiennes rencontrées par une jeune femme, hôtesse de bar et jeune mère livrée à elle-même. Sur son île loin de tout, Aoi ne trouve guère d’horizon, mal accompagnée par son mari, un loser aussi violent qu’incapable.

Lors d’une descente de police sur son lieu de travail, Aoi est contrainte à fuir. Elle court avec ses camarades, ôtes ses talons aiguilles, et la peur laisse finalement place à des cris d’excitation dans la rue. C’est presque comme un jeu, et enfin l’ado de 17 ans qui porte tout le poids du monde sur ses épaules retrouve son âge. Kudô compose un récit très noir, mais la lumière douce et les couleurs chaleureuses constituent un habile contrepoint. A Far Shore raconte une descente aux enfers de manière faussement ouatée, dans un faux paradis coloré, sans que cela ne nuise à la dureté du propos ou au relief dramatique des situations.

Ce parti-pris s’avère très payant et les meilleurs moments du long métrage sont ceux où différentes tonalités se rencontrent. Cela s’estompe dans la deuxième partie, plus monocorde, comme si l’impasse dans laquelle Aoi se trouve devenait un peu celle du film – celui-ci, certainement trop long, flirte parfois avec l’accumulation de pathos. A Far Shore s’inscrit avec succès dans ce cinéma indé japonais actuel habité par une émouvante tristesse, une mélancolie juvénile qu’on peut retrouver entre autres chez Sho Miyake (And Your Bird Can Sing, Small, Slow But Steady). Le film de Masaaki Kudô, d’une remarquable délicatesse, trouve le bon point de vue pour être aussi doux qu’amer, aussi sombre que chaleureux ; d’enrichissantes contradictions que l’on retrouve jusqu’au dénouement : est-ce une émancipation ou au contraire une tragédie ?

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par Nicolas Bardot

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