Festival de Karlovy Vary | Critique : Au grand jour

Une famille bourgeoise vit recluse depuis huit mois après la naissance surprise et demeurée secrète d’un bébé. Vivant dans leurs silos respectifs, tous ses membres semblaient se momifier à petit feu, jusqu’au jour où leur fille Hélène, 17 ans, retrouve le père de son enfant.

Au grand jour
Canada, 2022
De Emmanuel Tardif

Durée : 2h31

Sortie : –

Note :

SÉRIEUX ?

Les personnages d’Au grand jour ont l’air d’avoir tout pour être heureux. Dans les toutes premières scènes du film, on les découvre un par un dans une torpeur nonchalante, écrasés de chaleur dans des chaises de jardin ou bien paresseusement lovés dans une couette. La musique est d’une discrétion cool, les images sont joliment composées, pleines de lumières dorées et de couleurs chatoyantes mettant en avant le grand jardin, les grandes pièces et la grande piscine couverte. Une piscine devant laquelle se déroule d’ailleurs l’une des scènes-clé du film (une révélation qu’on aurait pu imaginer en dénouement mais qui arrive étonnamment tôt), une piscine dont la surface renvoie un reflet légèrement troublé de chaque personnage qui s’y regarde, comme pour chercher quelque chose sous la surface.

A l’image cette métaphore chlorée, l’écriture d’Au grand jour n’y va pas avec le dos de la cuillère. C’est un film sur un douloureux non-dit familial où paradoxalement tout le monde n’arrête pas de verbaliser (et ce pendant 2h30). De plus, il y a dans la mise en scène d’ Emmanuel Tardif quelque chose de trop visible et trop surligné. A l’image des mouvements de caméras systématiquement lents, accompagné de musique, qui viennent surligner le mystérieux secret liant les personnages, le film finit par stabiloter artificiellement tout ce qui devrait rester discret. A tel point qu’on ne sait pas ce qui pèse le plus lourd entre les dialogues (« C’est le genre de phrase qu’on dit deux fois pour l’assumer ») ou les silences de plomb par des acteurs faisant la gueule. On retrouve hélas dans ce manque de subtilité ce que le cinéma québécois contemporain peut faire de plus pédant (dont l’exemple le plus pénible demeure sans doute Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau).

Pourtant, quelque chose se construit peu à peu. Est-ce parce qu’il faut du temps pour se faire au rythme du film, pour trouver enfin sa respiration particulière ? Est-ce parce que le récit sait ménager ses révélations (on pourrait même parler de coups de théâtre sympathiquement outranciers) à intervalles réguliers et ce jusqu’à la fin ? Au grand jour se fait progressivement plus adroit au moment de doser sa radicalité, comme s’il parvenait à se départir progressivement de sa peur du ridicule pour laisser apparaitre son grain de folie. En dépit d’une durée peut-être un peu trop complaisante, il y a dans cette accumulation de sérieux majuscule un certain panache sans garde-fou, une forme d’absurdité inattendue et payante. La pirouette n’est peut-être pas des plus rapides mais elle à le mérite d’être étonnante.

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par Gregory Coutaut

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