Festival de Karlovy Vary 2024 : nos 5 courts métrages préférés

La 58e édition du Festival de Karlovy Vary s’est achevée ce weekend et vous avez pu la suivre quotidiennement sur Le Polyester. Le festival a proposé dans sa sélection plusieurs courts métrages dont nous vous avons déjà dit beaucoup de bien par le passé (A Study of Empathy, Cura sana, Electra, Luce et le rocher, Oyu), et nous vous présentons en complément un focus sur 5 coups de cœur parmi ceux que nous avons découverts sur place.



Beautiful Dead Woman, Jan Soldat (Autriche)
L’histoire : La femme est morte, mais ses cheveux sont toujours aussi beaux. Cette compilation de scènes de la série Un cas pour deux montre comment la fétichisation du corps féminin s’est développée ou, plutôt, s’est figée à mort, dans cette série policière allemande populaire.
Pourquoi on l’aime : Jan Soldat poursuit son travail de zapping entamé avec l’incroyable Staging Death (Quinzaine des cinéastes 2022). Cette compilation quasi-subliminale de plans très brefs montrant des cadavres féminins trop séduisants et propres sur eux pour être honnêtes provoque un mini-feu d’artifice de sensations et d’interprétations. Un pied dans une hilarante bouffonnerie parodique, l’autre dans une très sérieuse déconstruction féministe de l’absurdité morbide du male gaze.



Mare Imbrium, Siegfried A. Fruhauf (Autriche)
L’histoire : S’agit-il de mouettes que l’on entend en arrière-plan de cette bande-son hypnotique ? Et au-dessus de quelle mer planent-elles ?
Pourquoi on l’aime : Cela commence par le reflet de la lune sur la surface d’un lac, simple tache blanche vibrante sur un fond noir secoué de vaguelettes. Les cris d’oiseaux se répètent jusqu’à devenir une mélopée électronique et les formes se libèrent jusqu’à l’irréalité. Cette vignette sonore, ludique et inquiétante, évoquant autant Rainer Kohlberger que la période Biophilia de Björk pose la question de la frontière cinématographique entre l’abstrait et le figuratif.



Silent Panorama, Nicolas Piret (Belgique)
L’histoire : Dans cette miniature poétique et animée, un dessin prend peu à peu vie sous nos yeux, racontant non seulement l’histoire d’un sanglier en fuite, mais aussi la manière dont les gens occupent les lieux qui appartenaient autrefois à la nature.
Pourquoi on l’aime : Le papier sur lequel Nicolas Piret crayonne avec un minimalisme poétique prend littéralement vie sous nos yeux, se froissant et se déployant comme une sorte de flip book alternatif. Cet effet saisissant, à la fois évident et original, n’a pas besoin de grand chose d’autre pour intriguer. Preuve de qualité : Silent Panorama a fait sa première mondiale en début d’année à Rotterdam, l’un des tout meilleurs festivals au monde en ce qui concerne les formats courts.



Slow Shift, Shambhavi Kaul (Inde)
L’histoire : Dans la ville indienne de Hampi, une journée sereine au milieu des ruines antiques s’avance paresseusement, tandis qu’une meute de singes sacrés vaque à ses occupations.
Pourquoi on l’aime : Dans des paysages solaires et endormis, où des ruines de palais se confondent aux roches éternelles, aucune présence humaine. Seuls quelques singes semblent régner sur ces terres coupées du monde. A l’aide de seulement quelques bricolages (une touche de stop motion), et d’un art poétique du montage, la cinéaste indienne fait cohabiter les échelles avec vertige et bâtit une science fiction de poche évoquant à la fois La Planète des singes que l’introduction de 2001 : L’odyssée de l’espace.



The Love Servant, Emanuela Muzzupappa (Italie)
L’histoire : Dans une petite ville du sud de l’Italie, la prière d’une mère à sainte Rita sauve sa fille d’une mort certaine. En signe de gratitude, la petite fille s’habille avec les vêtements de la sainte, ce qui est supposé lui transmettre les pouvoirs de cette dernière.
Pourquoi on l’aime : Une fillette revêt une tenue supposée être sanctifiée. Pour elle c’est un jeu, mais pour les adultes autour d’elle, c’est très sérieux. Le sacré et le profane cohabitent, l’incompréhension est mutuelle mais cela n’empêche pas la vie de continuer de manière douce et amère à la fois. De loin le film le plus narrativement classique de cette liste, cette tranche de vie délicate peut évoquer les jolis mystères des premiers films d’Alice Rohrwacher.


Gregory Coutaut

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