Festival Black Movie | Critique : You Won’t Be Alone

Au 19e siècle, dans un village de montagnes isolé de Macédoine, une sorcière propose un pacte terrifiant à une villageoise.

You Won’t Be Alone
Australie, 2022
De Goran Stolevski

Durée : 1h48

Sortie : disponible en vod

Note :

TU M’AS ENSORCELÉE

Le titre du premier long métrage du cinéaste australien et macédonien Goran Stolevski est d’abord une menace. C’est celle que fait une sorcière à la peau et aux cheveux brûlés (Anamaria Marinca) à la jeune paysanne héroïne du film. Suite à un pacte passé avec sa mère, celle-ci est en effet destinée à lui appartenir à la puberté. Cette trame archétypale de conte est celle de You Won’t Be Alone, qui est pourtant un film qui ne ressemble jamais vraiment à un conte ni à quoi que ce soit d’archétypal. A vrai dire, c’est plutôt le genre d’œuvre qui ne ressemble qu’à elle-même.

Cette histoire de pacte est d’ailleurs moins le résumé du récit ici à l’œuvre que son point de départ, tant celui-ci suit librement son propre chemin. You Won’t Be Alone possède une structure en épisode, passant d’un personnage à un autre à mesure que son héroïne change de peau tel l’Orlando de Virginia Woolf. Dans son ton et dans sa forme, le film épouse lui aussi une liberté admirable. Si les personnages n’ont jamais de nom et que les dialogues y sont rares, le film est accompagné d’une voix off lyrique qui est comme un courant de conscience traversant et unifiant les différentes étapes du récit. Il n’est pas tout à fait exact de dire que You Won’t Be Alone ne ressemble qu’à lui-même, car cette voix off et le camera work bien particulier (la première séquence est en vue subjective) du film rappelle plus d’une fois Terrence Malick, sans que cette écho se fasse trop écrasant.

La protagoniste ensorcelée se change tantôt en jeune gaillard, tantôt en animal, mais le plus souvent en femmes, plus ou moins jeunes. Ce qui se tresse alors au fil de son voyage légendaire, c’est une mosaïque sur le devenir-sorcière de chaque femme. Tous les personnages féminins du film sont prises dans des impasses, des horizons en forme de prison ou de bûcher. La promesse/mirage d’une vie enfin « sans honte » est ce après quoi court l’héroïne. D’apparence d’abord froid, le conte se fait alors déchirant. La réelle malédiction, c’est la solitude des femmes. Moins qu’une menace, le titre peut alors également se lire comme une promesse.

Goran Stolevski fait d’ailleurs un excellent travail pour nous convaincre qu’il n’y a bien qu’une seule et même protagoniste ici, mais le talent en revient beaucoup à ses interprètes. Face à un casting masculin remarquablement queer qui comprend Carlotto Cotta et Félix Maritaud (et il faut souligner la dimension queer présente en pointillé dans le film), Noomi Rapace prouve à nouveau son excellence. Au final, You Won’t Be Alone est l’un des exemples récents les plus originaux, poignants et réussis de la folk horror.

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par Gregory Coutaut

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