Festival de Clermont-Ferrand | Entretien avec Atsushi Hirai

Dévoilé à la Quinzaine des Cinéastes, Oyu du Japonais Atsushi Hirai est sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand. Ce récit minimaliste se déroule dans un bain public, un soir au Japon, dans lequel se rend un homme. Atsushi Hirai compose une histoire sensorielle et attachante qui se distingue par un sens du détail, un découpage minutieux et un remarquable travail sonore. Nous avons rencontré le réalisateur.


Quel a été le point de départ d’Oyu ?

En hiver 2021, alors que j’étais de retour au Japon pour présenter mon film précédent Retour à Toyama, je me suis rendu au bain public de ma ville natale. J’y ai croisé par hasard un ami qui m’a raconté que sa mère était morte récemment. En rangeant sa maison, il avait retrouvé son carnet de tickets de bain et comme il n’en restait plus qu’un, il avait décidé de l’utiliser. Ce soir-là il neigeait, et alors qu’il se confiait à moi dans la chaleur enveloppante du bain, j’étais très ému. J’ai décidé de m’en inspirer pour écrire Oyu.



Le son est très important dans ce film et participe à la narration. Est-ce que vous pouvez en dire plus concernant votre travail sur le son ?

En général dans les bains publics, la salle des femmes est séparée de la salle des hommes par un mur mais qui ne monte pas jusqu’au plafond. Donc on entend ce qui se passe de chaque côté. J’ai beaucoup réfléchi à la manière de faire voir cette promiscuité. J’ai voulu que le personnage principal, Satoshi, entende une femme de l’autre côté du mur. Dans le film, elle se confie à son amie sur sa solitude après la perte de son mari. L’eau qui coule, le seau posé au sol, la douche ou encore le silence sont des éléments essentiels pour recréer l’atmosphère des bains. Cette ambiance feutrée raconte aussi l’émotion du personnage.



Les sens sont aussi très sollicités dans le film, comme lors des scènes de bains publics ou des scènes de nuit. Comment avez vous travaillé sur cet aspect ?

Pendant l’écriture, j’y suis allé tous les jours pour développer mes idées. Au moment des repérages, j’ai posé la caméra et observé simplement les gens qui passent, se croisent, se saluent, se lavent. A l’arrivée, à force d’y aller, je m’étais complètement fondu au lieu. Je souhaiterais que le spectateur ait la sensation d’y être, physiquement.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

Je travaille en tant qu’assistant mise en scène pour Damien Manivel. Je me suis beaucoup inspiré de lui, notamment pour l’ambiance calme et douce de son film Takara, la nuit où j’ai nagé, co-réalisé avec Kohei Igarashi. Je me suis aussi inspiré de Hou Hsiao-hsien, Tsai Ming-liang et Takeshi Kitano.



Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?

C’était Ella i jo de Jaume Claret Muxart. Je l’ai rencontré au Festival de Locarno 2020. C’était une expérience cinématographique telle que je n’en avais jamais eue au cinéma. Ce film est un docu-fiction où il n’y a presque pas de dialogue voire pas d’histoire mais qui est très riche de sens. J’ai essayé de m’en inspirer même si son imagination est débordante !



Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 30 mai 2023. Un grand merci à Jean-Charles Canu et Antony Chanthanakone.

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