Critique : La Fièvre de Petrov

Affaibli par une forte fièvre, Petrov est entraîné par son ami Igor dans une longue déambulation alcoolisée, à la lisière entre le rêve et la réalité. Progressivement, les souvenirs d’enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent…

La Fièvre de Petrov
Russie, 2021
De Kirill Serebrennikov

Durée : 2h25

Sortie : 01/12/2021

Note :

GUEULE DE BOIS

S’il tourne depuis la fin des années 90, le Russe Kirill Serebrennikov a davantage été remarqué sur la scène internationale avec Leto, devenu un crowdpleaser multi-primé. Au câlin rock succède un film moins aimable, plus ambitieux mais aussi plus revêche. On sait que Serebrennikov peut avoir la main lourde – c’était déjà le cas dans son film Le Disciple – et cela se confirme avec La Fièvre de Petrov. Le long métrage raconte ce qui ressemble à une histoire de survie tandis qu’une grippe court – il est assez aisé d’y voir un parallèle avec le monde d’aujourd’hui mais il s’agit d’une adaptation d’un roman, Les Petrov, la grippe, etc. d’Alexeï Salnikov, paru en Russie en 2016.

L’allégorie semble pourtant bien là, dans cette peinture chaotique d’une société au bord du précipice, gagnée par un virus infernal. Le cinéaste nous embarque assez vite dans un bus métaphorique aux arrêts imprévisibles et dangereux. La Fièvre de Petrov prend parfois l’aspect flottant d’une expérience de mort imminente, autant d’ingrédients vertigineux qui pourtant, à nos yeux, ne prennent pas. A la lisière du réel et du surréel, Serebrennikov étouffe rapidement le trouble pour livrer un film de forceur asséchant toutes les pistes philosophiques qu’il approche. S’il est d’une grande complaisance, ce n’est pas tant dans sa représentation de la violence que dans la longueur de ses scènes bavardes et anxiogènes. On ne compte plus le nombre de séquences toutes construites de la même façon : une longue et pénible attente qui s’achève en un effet choc devant lequel le public doit probablement rester coi.

Le film est tellement programmatique qu’il perd toute radicalité. Son systématisme est sans surprise et on voit venir toutes les ruptures comme autant d’artifices de narration et de mise en scène. Voilà le genre de long métrage régulièrement décrit en festivals comme « impressionnant-de-maîtrise » mais qui nous semble aussi excitant que la lecture d’un powerpoint rigoureusement calculé. Disperser des effets chocs à l’issue de longues prises ne signifie pas qu’on fait de la grande mise en scène ; le film passe son temps à réclamer l’attention mais son imaginaire est totalement étriqué. La Fièvre de Petrov se rêve peut-être extrême mais le résultat est avant tout mégalo, indigeste et boursouflé.

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par Nicolas Bardot

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