Festival de Films de Femmes de Créteil | Entretien avec Yang Mingming

La jeune Chinoise Yang Mingming a été découverte à la Berlinale avec son premier long métrage intitulé Girls Always Happy. Les filles en question, ce sont une jeune femme (interprétée par la réalisatrice) et sa mère. Toujours heureuses, vraiment ? Celles-ci passent en tout cas leur temps à se troller dans cette comédie méchante et tendre dont le ton tranche avec le cinéma chinois tel qu’il nous parvient généralement en France. Ce film fait partie cette semaine d’un focus au Festival de Films de Femmes de Créteil dédié sur les réalisatrices chinoises contemporaines. Entretien avec un talent à suivre…


Quel a été le point de départ de Girls Always Happy ?

Je voulais faire un film sur un Hutong (un ensemble de ruelles qu’on peut trouver notamment dans le vieux Pékin, ndlr) et raconter l’histoire de deux femmes qui essaient de s’entendre.

Avant la réalisation de votre premier long métrage, vous avez travaillé sur le montage de Crosscurrent – un film assez différent du vôtre. Qu’avez-vous appris aux côtés de Yang Chao ?

En fait, j’ai toujours été réalisatrice. Avant de monter Crosscurrent, j’ai fait un court métrage de 42 minutes intitulé Female Directors, l’histoire de deux filles et d’une caméra. C’est presque par hasard que je suis devenue monteuse de Crosscurrent, et j’ai vite réalisé à quel point ce serait dur mais aussi enrichissant pour moi. La clef de Crosscurrent ne tient pas tant à son interprétation ou sa représentation de la réalité. Les questionnements sur le temps et l’espace ont rendu le montage encore plus exigeant. Ce qui m’a le plus frappée, c’est à quel point l’environnement pouvait modeler l’esprit humain. A travers le montage de Crosscurrent, j’ai compris comment le paysage et les décors peuvent soutenir la narration et comment l’espace peut affecter la mise en scène. J’ai aussi découvert une autre façon d’observer le passage du temps.

Vous avez dit en interview qu’à vos yeux, Girls Always Happy n’était pas une comédie. Il y a parfois de la mélancolie dans votre film, et celui-ci décrit une relation qui peut parfois être difficile. Pourtant, que penseriez-vous si je vous disais que pour ma part, j’ai trouvé votre film très drôle?

C’est merveilleux si mon film peut réunir des gens en les faisant rire. Pour moi, « drôle » est un très joli mot pour décrire Girls Always Happy. Ce que je voulais dire c’est que derrière le fun se cache une certaine douleur. Peut-être même que ça fait mal parce que c’est drôle ! Ne pas adopter une posture pessimiste pour raconter cette histoire ne signifie pas que ce n’est pas un film pessimiste. Mais si vous considérez qu’il s’agit d’une comédie, alors c’est une comédie. Et c’est formidable d’entendre des éclats de rire.

Votre film est très vivant en termes de montage et de mouvement de caméra. Comment avez-vous abordé le traitement visuel de Girls Always Happy ?

La plupart des mouvements de caméra étaient prévus et écrits dès le scénario. Je ne suis pas une grande fan des longues prises, et des plans séquences caméra à l’épaule auraient gâché l’absurdité et la sensation de surprise du film. Finalement, le style du film varie entre des plans fixes et des panoramiques avec une mise au point observant de manière quasi-médicale la relation mère-fille, comme à travers un microscope.

Quels sont vos cinéastes favoris ?

Beaucoup me viennent à l’esprit. Si je devais choisir, je dirais Robert Bresson, Mike Leigh, Arnaud Desplechin, et j’admire le travail de différentes jeunes réalisatrices comme Alice Rohrwacher.

Quel est la dernière fois que vous eu le sentiment, en regardant un film, de voir quelque chose de neuf ou de découvrir un nouveau talent ?

Le dernier film que j’ai vu est A Beautiful Day (You Were Never Really Here) de Lynne Ramsay, au Festival de Hong-Kong. J’ai toujours aimé cette réalisatrice, depuis Ratcatcher et Le Voyage de Morvern Callar. J’ai un rapport complexe à son dernier film. D’un côté, je le trouve techniquement parfaitement et, pour répondre à votre question, innovant. Mais d’un autre côté, j’ai manqué d’une émotion sincère, le film m’a attirée mais pas vraiment touchée.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 12 avril 2018. Un grand merci à Liuying Cao.

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