Entretien avec Rob Savage

C’est un rollercoaster jubilatoire : Host raconte (in situ, si l’on peut dire) une réunion Zoom qui tourne très mal lorsque quelques amies entament une séance de spiritisme en ligne. Précision non négligeable : lesdites amies sont confinées, et le lieu qui est censé les protéger est désormais l’endroit le plus dangereux au monde. Le réalisateur britannique Rob Savage nous en dit davantage sur ce found footage qui coche toutes les bonnes cases du genre et qui est sélectionné cette semaine au BIFFF.


Host trouve son origine dans un tour que vous avez joué à des amis. Quelle part d’humour et de récréation souhaitiez-vous conserver dans ce film d’horreur?

C’est vrai ! Il faut savoir que l’équipe du film, y compris la distribution, est entièrement composée d’amis à moi, et on a pas mal échangé sur Zoom au début du confinement. On se faisait des soirées Netflix et des apéros Zoom, ce genre de choses. Il se trouve que juste avant le confinement, j’ai emménagé dans un nouvel appartement, et j’y entendais des bruits bizarres en provenance du grenier. Je me suis dit que je devrais probablement aller vérifier ce qui se passait, au cas où un tueur fou se cacherait là-haut. Je suis monté voir et même s’il n’y avait pas de tueur, c’était extrêmement flippant. Alors j’ai pensé : « Ok, peut-être que je peux faire quelque chose à partir de ça ». J’ai réuni tous mes amis pour une discussion sur Zoom, je leur ai dit que j’entendais des bruits dans mon grenier et je leur ai fait croire que j’avais besoin d’eux en guise de soutien émotionnel pendant que je montais vérifier… et le reste, vous pouvez voir ici.

C’était pour moi fondamental que le film soit aussi fun et flippant qu’un tour de grand huit. La question qui me revenait toujours en tête était : « quel genre de film j’aurais envie de voir pendant le confinement ? ». Entre temps, ma farce d’origine est devenue virale et c’était super amusant de voir les gens réagir et partager la vidéo avec leurs amis. Cela apportait un peu de répit face à la lourdeur de la pandémie, et je voulais m’assurer que Host laisse cette même impression aux spectateurs.

Comment vous êtes vous inspiré du confinement actuel pour raconter cette histoire d’isolement et d’horreur qui frappe au sein-même du foyer ?

On était catégoriques dès le départ sur le fait qu’il ne s’agirait pas d’un film sur la pandémie. C’était un film de confinement, donc la question centrale était plutôt celle de l’isolement. On voulait jouer sur cette idée que la visioconférence donne l’illusion d’être en compagnie d’autres personnes, mais en incorporant des rappels brutaux à la réalité: à savoir qu’on est sans cesse isolé et séparé les uns des autres. Quand les personnages commencent à voir leurs amis en difficulté, ils réalisent qu’ils sont coincés dans leurs rôles de spectateurs et sont incapables d’agir.

Comment avez-vous préparé votre travail avec vos comédiens, qui sont pour beaucoup dans l’illusion de réalisme du film ?

Assembler le cast est venu avant toute autre chose. Tous les acteurs sont de bons amis à moi et j’avais déjà travaillé avec eux, donc je savais que je pouvais leur faire confiance pour fournir le niveau de performance requis pour ce film. A partir de là, j’ai chercher avec eux des aspects de leurs logements qui pouvaient être utilisés pour le film, qui pourraient nous permettre de raconter notre histoire de la manière la plus cinématographique et efficace possible. Cela allait du grenier de Caroline au couloir effrayant de Haley, par exemple !

Travailler avec mes amis était un rêve absolu. On n’avait pas le temps de pondre un scénario complet et au lieu de cela on a écrit une base de 17 pages, à partir de laquelle on travaillait chaque jour. L’un des rôles les plus importants de ce document était de répartir des objectifs pour chaque scène en amont du tournage. Concrètement, cela a consisté par exemple à attribuer à l’un des personnages le rôle du sceptique ou du crédule : Radina avait régulièrement pour tâche de calmer le jeu et de fournir des explications rationnelles, tandis que Haley devait avoir une plus grande croyance dans le surnaturel et avait pour but que tout le groupe poursuive la séance. L’important c’était de pouvoir communiquer de façon directe avec les acteurs. J’ai pu participer de façon cachée à toutes les conversations Zoom, et je dirigeais tout le monde en direct en disant par exemple : « redis cette réplique », alors que ma voix était elle aussi masquée. J’ai ainsi pu vraiment façonner les performances, tout comme je le ferais sur un plateau normal.

En outre, on n’avait pas l’énorme machinerie habituelle des plateaux professionnels, qui finit toujours par prendre beaucoup de temps : les coiffeurs, le maquillage, les caméras, l’éclairage… on n’avait rien de tout ça. Cela signifie qu’on a bénéficié de beaucoup plus de temps pour travailler avec les acteurs, ce qui était génial. On n’aurait jamais pu atteindre le même résultat avec un tournage traditionnel.

Qui sont vos cinéastes préférés et/ou qui vous inspirent ?

Je trouve mon inspiration un peu partout. Mes parents ont essayé de m’élever sans télévision, ce qui a précisément donné le résultat opposé. Leur protection m’a donné envie de regarder autant de films que possible, et les plus dégueux possibles. Je cachais une télévision portable sous mon lit et je passais mes dimanches à essayer de dénicher des films sous le manteau. C’était le seul moyen pour moi de me procurer d’authentiques VHS, que je devais également cacher dans un renfoncement secret du mur de la cave. A chaque fois que mes parents sortaient, je me passais un film d’horreur et je m’éclatais à coup de gore. À ce jour, je suis encore un grand fan d’horreur et je suis incroyablement excité par la nouvelle vague de maîtres émergents: Rose Glass, Remi Weekes, Prano Bailey-Bond. Ils sont si bons qu’ils me donnent parfois envie d’arrêter, mais surtout ils me poussent à me dépasser à chaque nouveau film.

Quelle a été la dernière fois que vous avez eu le sentiment de regarder quelque chose de nouveau, de découvrir un nouveau talent?

Je n’ai pas pu voir beaucoup de films à cause du confinement. Je n’aime pas vraiment regarder des films à la maison – ça ne tient jamais la comparaison avec l’expérience de la salle. Cela étant j’ai récemment regardé His House de Remi Weekes et le film m’a laissé bouche bée du début à la fin. Pour moi, c’est le meilleur film d’horreur de 2020. Remi est un visionnaire.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 30 janvier 2021. Un grand merci à Gustave Shaïmi.

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