Carrefour du Cinéma d’Animation | Entretien avec Osman Cerfon

A l’école, dans la cour de récré, à la cantine, à la piscine, les bambins n’ont qu’un mot (ou plutôt un cri) à la bouche : « aaaah ! ». Voilà le principe du jubilatoire Aaaah !, un court métrage absurde (mais pas tant que ça) d’Osman Cerfon, que nous avions déjà interrogé pour son film nommé aux César Je sors acheter des cigarettes. Aaaah !, dévoilé à Clermont-Ferrand et à la Berlinale, est au programme au Carrefour du Cinéma d’Animation cette semaine. Osman Cerfon nous présente ce court métrage dont vous devriez entendre parler.


Il y a quelque chose de « vibrant » dans l’animation de vos personnages et de leurs visages, ce qui donne une tension particulière à votre film. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce choix esthétique ?

Oui en effet j’ai choisi de peindre à l’encre chaque image du film. Cela donne déjà un côté organique et aléatoire au dessin. Mais la nervosité vient surtout du fait qu’on ait fait vingt-cinq images par seconde, la plupart du temps 12 suffisent largement, mais je voulais donner l’impression que les enfants sont sur le point d’exploser à tout moment… Comme s’ils se contenaient en permanence.



Est-ce que la dimension absurde du film a pu constituer un moyen pour vous d’évoquer l’angoisse et la brutalité liées à l’école ?

L’absurde et l’humour c’est juste le prisme par lequel je décide de présenter ces choses, sans juger mes personnages. Une sorte d’humeur que j’ai envie de d’insuffler au spectateur qui regardera ce film. Beaucoup de situations présentes dans le film sont à vrai dire des choses que j’ai vues ou vécues quand j’étais moi-même à l’école. Alors certes c’était à une autre époque et dans un quartier assez chaud de Paris, où ce que vous nommez brutalité était plutôt perçue comme normalité (rires).

Plus généralement, l’école c’est l’endroit ou l’on commence l’apprentissage de la vie en collectivité, avec ses joies et ses frustrations. Arriver à l’heure, travailler quand on nous le dit, manger à la cantine… On force l’individu à adapter son propre rythme à celui de la collectivité, et je trouve qu’il y a une forme de brutalité à cela, même si ça semble être une introduction nécessaire à la vie d’adulte apte à vivre en société.

Si vous parlez d’angoisse, c’est que vous vous êtes projeté comme enfant dans ce film. Et tant mieux ! Car l’idée était de s’adresser aux enfants comme aux adultes. Je suis donc ravi quand des adultes me disent que ça leur rappelle des choses de leur enfance, alors je me dis que je suis pas le seul à avoir été traumatisé (rires).



Quels défis sont soulevés par une narration sans dialogues ?

Il y a en effet quelques situations qui sont difficiles à raconter sans dialogue, mais c’est aussi une contrainte qu’il faut voir comme une source d’inspiration. De ce point de vue le film à un petit côté « exercice de style ». Je n’ai d’ailleurs pas vraiment choisi de faire un film sans dialogue. Je l’ai plutôt vu comme un film dont les seuls dialogues sont des « aaaah ! »

Pouvez-vous nous parler du choix du « a » (et de ce que cette lettre peut offrir comme possibilités) plutôt qu’une autre voyelle par exemple ?

J’ai même pas vraiment envisagé une autre lettre…. J’ai eu le titre du film avant de l’écrire. Maintenant, je me dis que je peux peut-être essayer de faire tout l’alphabet, mais plus sérieusement je pense qu’a priori c’est la lettre A qui offrait le plus de possibilités. Et puis ça nous assure une place de choix dans les listes de films qui sont souvent publiées dans l’ordre alphabétique (rires).



Aviez-vous des inspirations particulières en tête lors de la confection de ce court métrage ?

Comme je vous l’ai dit, d’abord ma propre enfance… Ensuite mes enfants : quand ils ont commencé à aller à l’école, on les récupérait super énervés tous les soirs. Cela leur arrivait souvent de faire des crises sur le chemin de la maison alors qu’ils étaient hyper sages à l’école. On a fini par comprendre qu’ils avaient probablement besoin d’évacuer leur frustrations de la journée. Et quoi de mieux que de le faire sur ses parents ! Agnès Patron a appelé ça « l’heure de l’ours »… C’est pour cette raison que j’ai décidé de limiter l’action du film à l’école. Mais en vrai : ils ont plein d’autres raisons de hurler en dehors de l’école (rires).

Sinon je pense que le travail de Masaki Okuda m’a probablement beaucoup inspiré pour se film. Tant par sa forme que par son rythme, mais j’ai un peu honte car rien que son film d’étudiant à la Gedai Animation est vachement mieux que le mien.


Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 14 février 2023. Un grand merci à Luce Grosjean.

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