Festival Entrevues Belfort | Critique : Maman déchire

Emilie tente de comprendre le mystère de son univers : sa mère Meaud. Grand-mère magique, enfant brisée, mère punk, féministe spontanée, elle fascine autant qu’elle dérange. Comment donner à ses enfants l’amour dont on a été privé soi-même ? Comment nourrir son enfant intérieur quand on a vécu des traumatismes dans son enfance ?

Maman déchire
France, 2023
De Emilie Brisavoine

Durée : 1h20

Sortie : prochainement

Note :

MAMAN A TORT

Il y a huit ans, Emilie Brisavoine filmait sa petite sœur dans l’étonnant Pauline s’arrache. Derrière le portrait adolescent se dessinait un schéma de névroses familiales – et dans Maman déchire, Brisavoine remonte l’arbre généalogique un peu plus haut en filmant cette fois sa mère. L’incursion dans des images venant de vieilles Super 8 ressemble à l’exploration d’un univers lointain, quelque part dans le cosmos. Pourtant, qu’il s’agisse des blessures familiales, des traces laissées par l’absence ou les mauvais traitements, rien n’est lointain, rien de cela n’a disparu. Emilie Brisavoine saisit sa caméra et demande des comptes.

A quoi joue-t-on sur les photos de famille ? La famille parfaite paraît venir d’une galaxie extraterrestre (le cosmos, là encore). La mère de la cinéaste semble parfaitement dysfonctionnelle, la famille est un désastre et les anecdotes violentes laissent régulièrement bouche bée. La modestie du sujet est servie et mise en valeur par la modestie de la mise en scène. Le côté brut de la forme soutient habilement la violence quotidienne. Et, étonnamment, Maman déchire parvient à laisser une place à l’humour, vache (comme la voix-off exaspérée) ou désespéré. A ce jeu, tout le monde en prend plein la figure, mais Brisavoine ne se ménage pas non plus.

Le journal intime de la réalisatrice écrit étant jeune fille est relu dans le film, et donne un sentiment à la fois d’immédiateté et de distance. Qu’est-ce que des adultes portent encore en eux de leur enfance perturbée ? Comment pardonne-t-on ? Que fait-on de sa colère ? C’est un sac de nœuds absurde et toute la partie du film consacrée au charlatanisme du développement personnel souligne avec ironie la dimension tragicomique de l’échec familial. Brisavoine est critique vis-à-vis de sa mère, mais aussi vis-à-vis d’elle-même et de sa propre lâcheté. Il faut pourtant du courage pour se confronter et le culot dont elle fait preuve offre au film une aspérité bienvenue.

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par Nicolas Bardot

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