Entretien avec Hlynur Palmason

L’Islandais Hlynur Palmason figurait dans notre liste des 10 révélations de l’année en 2018 pour son fascinant premier long, Winter Brothers. Son nouveau film, Un jour si blanc, est passé par le dernier Festival de Cannes. Il raconte l’histoire d’un commissaire qui se noie dans sa propre obsession. Plus classique, ce solide drame confirme néanmoins le talent de raconteur de Palmason et est porté par la prestation multi-primée de son acteur Ingvar Eggert Sigurðsson. Un jour si blanc sort ce mercredi 29 janvier et nous avons rencontré son réalisateur.


Quel a été le point de départ de Un jour si blanc ?

Je me suis intéressé à la relation simple et belle entre un petit-enfant et un grand-parent, qui est une chose très importante pour moi. Comme une sorte d’amour inconditionnel. Je suis à un âge de ma vie où je perds mes grands-parents et je pense que cela m’a donné envie d’explorer cette relation. Mais je m’intéressais aussi à un autre type d’amour, d’un genre très différent. L’amour d’un partenaire, qui est beaucoup plus complexe et plein de désir et où la frontière peut être très mince entre l’amour et la haine. J’ai trouvé intéressant que vous puissiez aimer et haïr une personne simultanément. C’était le cœur du film, son cœur battant.

Vous avez collaboré une nouvelle fois avec votre directrice de la photographie Maria von Hausswolff. Comment avez-vous abordé ensemble le style visuel de ce film ?

J’invite toujours mes collaborateurs le plus tôt possible dans le processus de réalisation. Alors quand j’ai commencé à penser au film, j’en ai tout de suite parlé à mon monteur et ma directrice de la photographie. Au début, nous restons en contact en nous envoyant des images, des notes et des pensées de manière aléatoire. Puis je les invite très tôt à visiter et revisiter les lieux de tournage du film et à revoir le script ensemble. Notre objectif est très souvent d’essayer de simplifier les choses, de trouver un moyen sans effort de filmer et de se déplacer. Nous testons également les objectifs, le film et les formats d’image. Nous voulons avant tout essayer des choses, plutôt que d’en parler.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette scène marquante où l’on peut voir le temps passer autour de la maison ?

J’ai filmé cette scène pendant plus de deux ans et j’avais envie de vivre ce passage du temps. Je voulais sentir le passage des saisons, l’évolution de la maison et les changements de météo. Je cherchais le contraire d’un intertitre indiquant « deux ans plus tard ». Au début, notre protagoniste perd quelqu’un qui lui est très cher, alors je voulais faire l’expérience du temps qui passe avant de découvrir ce protagoniste qui, de toute évidence, ne semble pas en mesure de guérir ou de continuer à vivre.

Ingvar Eggert Sigurðsson est très impressionnant dans le rôle principal. Comment avez-vous collaboré avec lui pour créer un tel personnage ?

J’ai écrit le film pour lui ; il avait accepté de jouer le personnage principal avant que je commence à écrire ou à développer Un jour si blanc. C’est quelque chose que j’aime beaucoup : avoir quelqu’un pour qui écrire est très agréable, c’est comme une poussée créative et ça me motive à livrer quelque chose d’intéressant. J’aime avoir ce genre de pression. Notre processus ensemble était de plonger peu à peu et ce de plus en plus profondément dans le projet. Je lui envoyais des choses que j’écrivais et des éléments qui se connectaient au film. Lorsque vous faites cela pendant quelques années, vous arrivez à un stade où vous n’avez pas vraiment à parler et expliquer, vous commencez à vous comprendre naturellement.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

Je suis très reconnaissant que notre film voyage partout dans le monde, qu’il sorte dans des cinémas et qu’il soit aussi montré dans des festivals où il est projeté avec d’autres films. Du coup, je vois tout le temps des nouveaux films et je découvre de nouveaux talents. Je pense que le cinéma en général se porte très bien, mais se déplacer vers un marché trop mainstream n’est pas très positif. Je pense qu’il est dangereux que les plus grandes plateformes censées défendre le cinéma d’art et essai se tournent vers des formes plus mainstream, cela va probablement ralentir l’évolution du cinéma. Nous avons vraiment besoin des films qui nous font douter et qui nous poussent dans nos retranchements, plutôt que d’un cinéma qui engourdit et qui n’a pour seul objectif que de divertir.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 27 janvier 2020. Un grand merci à Claire Vorger.

Partagez cet article