Festival Black Movie | Entretien avec Helvécio Marins Jr

Avec Querência, le Brésilien Helvécio Marins Jr signe un film étrange et crépusculaire sur un homme passionné de rodéo qui subit une attaque au sein de sa ferme. Dévoilé à la Berlinale, ce long métrage figure cette semaine dans la sélection du Festival Black Movie. Rencontre avec le réalisateur.


Quel a été le point de départ de Querência ?

J’ai vécu dans cette ferme ces six dernières années. C’est ma maison, mes vaches, mes chevaux et les personnages principaux sont mes meilleurs amis. Je me sens mieux et j’apprends davantage parmi eux qu’avec, disons, mon « entourage d’artiste ». Et puis ce vol qu’on voit dans le film est arrivé réellement dans la ferme de Marcelo (le protagoniste du film). Les jours suivants ont été assez durs pour lui et je l’ai emmené chez moi car il était effrayé. J’ai pu ressentir son angoisse chaque jour et cela m’a beaucoup marqué. Alors j’ai commencé à écrire cette histoire.

Querência brouille la frontière entre fiction et documentaire. Comment avez-vous travaillé sur cet équilibre pour raconter votre histoire ?

Pour moi c’était très naturel. Les gens disent que prendre des acteurs non professionnels pour jouer est une de mes spécialités. Mais cela va un peu plus loin. Toutes mes années d’observation des lieux où j’ai vécu, ainsi que mes années de rapports intimes et d’amitié avec ceux qui m’entourent ont largement facilité ce travail.

Il y a une atmosphère de mystère dans Querência qui naît du traitement visuel. Comment avez-vous collaboré avec votre directeur de la photographie Arauco Hernández Holz sur la mise en scène de votre film ?

J’ai changé de directeur de la photographie entre mon premier long métrage Girimunho et celui-ci. Girimunho a été distribué en France en 2012 sous le titre Tourbillon. J’étais un peu inquiet par ce changement, mais fort heureusement, dès le départ, Arauco a compris à la perfection ma manière de tourner.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce titre : Querência ?

Il y a peut-être quatre sens différents à vous donner. Le premier vient du verbe portugais « querer » (vouloir), ce qui fonctionne naturellement avec ce mot. Le second vient du mot tel qu’on le trouve dans le dictionnaire ; je dirais que querência est l’endroit que vous choisissez comme « votre endroit à vous ». Que vous soyez né là ou pas, que ce soit un endroit où vous n’êtes allé qu’une fois mais peu importe : c’est votre endroit qui, dans ce monde, vous touche plus qu’un autre. Le troisième correspond à l’argot pour les rodéos au Brésil : c’est l’endroit où attendent les cowboys avant d’entrer dans l’arène. Ils parlent entre eux, s’étirent les muscles, et se préparent à monter les taureaux. C’est un peu comme l’endroit où les acteurs attendent avant d’entrer en scène. Le quatrième vient de l’œuvre de Ernest Hemingway, il utilise ce mot environ 4 fois et ne le traduit jamais en anglais. J’ai également trouvé ce qu’a écrit l’un de vos collègues critiques et c’est intéressant.

Quels sont vos réalisateurs favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?

C’est la question la plus dure mais allons-y : Yasujiro Ozu, Andrei Tarkovski, Jean Rouch, Glauber Rocha, Abbas Kiarostami, Rogério Sganzerla, Maya Deren, Eduardo Coutinho, Jia Zhang-ke, Michelangelo Antonioni, Jean Renoir, João César Monteiro, Stan Brakhage, Jean Eustache, Agnès Varda, Victor Erice.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

Désolé mais en général je suis un peu déçu par le cinéma contemporain qui se perd un peu, tandis que les festivals ne savent peut-être pas toujours comment s’y prendre avec la montagne de films produits dans le monde. Je suis très critique vis-à-vis du travail de la majorité des directeurs et programmateurs de festivals. Ils ont énormément de pouvoir mais, comme des politiciens, ils ne l’utilisent pas de la meilleure façon. On parle d’art, de cinéma… mais tout cela reste très politique.

Voilà ces films auxquels je pense : Ce cher mois d’août de Miguel Gomes, Le Quattro volte de Michelangelo Frammartino et Le Chant de la forêt de João Salaviza et Renné Messora.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 25 mars 2019. Un grand merci à Eliane Ferreira.

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