Entretien avec Agustina San Martín

Dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto, To Kill the Beast est une révélation venue d’Argentine. Avec ce conte gothique, sensuel et tropical, la réalisatrice Agustina San Martín fait preuve d’un talent pictural rare. Le film sort ce mercredi 13 juillet en salles : rencontre avec sa réalisatrice.


Quel a été le point de départ de To Kill the Beast ?

Pour moi, le point central de ce récit a toujours été le désir féminin. C’était ça le point de départ. Je voulais faire un film qui soit aussi attirant que possible dans ses images et son atmosphère, et qui raconte comment une adolescente apprivoise le pouvoir qui sommeille dans sa propre sexualité. En général, la plupart des images que j’essaie de créer proviennent de rêves. C’est à partir de là que l’histoire s’est déroulée d’elle même : entre les mythes liés à la ville et ceux liés à l’arrivée à l’âge adulte.

En quoi votre expérience en tant que chef-opératrice (par exemple pour El futuro perfecto, ndlr) vous a-t-elle préparée ou aidée à raconter cette histoire visuellement?

Je suis très ambitieuse en ce qui concerne l’apparence et le style visuel d’un film. J’essaie toujours de jouer avec les textures et les reflets, par exemple. Je trouve ça amusant. Je crois que travailler en tant que chef-opératrice a été ma manière à moi de trouver ma place dans la création de différents univers. Pourtant, je trouvais ça parfois frustrant, car mes idées ne se limitaient pas à des considération techniques. J’étais douée, mais je ne pouvais jamais faire EXACTEMENT ce que j’avais en tête. Je voulais m’impliquer encore plus profondément dans l’image. Lorsque je filme quelque chose, je prépare toujours un document très complet rempli de cadres, de références, de dessins et même de texte. Je mets toujours beaucoup d’inspiration dans l’aspect visuel d’un film. C’est passionnant.

La musique et les sons participent à générer atmosphère hypnotique du film. Pouvez vous nous en dire plus sur cet aspect de votre travail?

J’ai eu la chance de travailler avec Mercedes Gaviria qui était mon ingénieure son. Nous avions déjà travaillé ensemble sur Monster God. Nous aimons beaucoup parler de l’ambiance et des moyens de générer certains sentiments. Habituellement, nos conversations sont extrêmement poétiques mais elle trouve toujours un moyen de concrétiser tout cela en termes de sons. Je pense que rien n’importe davantage que l’atmosphère. Elle et moi sommes comme ça, très baroques : nous aimons l’excès. Nous aimons imaginer une atmosphère comme un orchestre de bruitages, de vents, de feuilles et ainsi de suite. En fait, nous aimons construire des scènes autour d’une musicalité en arrière-plan, plutôt que de simplement utiliser cette dernière comme un outil descriptif.

Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

Il y en a tellement ! David Lynch, Lukas Moodysson, Nuri Ceylan, Alice Rohrwacher, Park Chan-wook, Carlos Reygadas, Ruben Östlund, Lucrecia Martel et d’autres encore.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

C’est une question difficile. Je ne fais pas vraiment attention à ça en ce moment. Je cherche à découvrir le contraire : l’intemporel, le classique. Je suis en train de revoir tout ce que j’aimais déjà et d’essayer de comprendre exactement pourquoi, quels outils ils utilisaient et comment ils les utilisaient. Il y a quelque chose dans le fait de revenir à l’endroit d’où tout cela provient qui a été très important pour mon état d’esprit, après avoir terminé mon premier film.

Entretien réalisé par Gregory Coutaut le 8 septembre 2021. Un grand merci à Emma Griffiths.

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