A voir en ligne | Critique : True Mothers

Satoko et son mari sont liés pour toujours à Hikari, la jeune fille de 14 ans qui a donné naissance à Asato, leur fils adoptif. Aujourd’hui, Asato a 6 ans et la famille vit heureuse à Tokyo. Mais Hikari souhaite reprendre le contact avec la famille, elle va alors provoquer une rencontre…

True Mothers
Japon, 2020
De Naomi Kawase

Durée : 2h19

Sortie : 28/07/2021

Note :

FEMMES EN MIROIR

Le mystère des liens familiaux traverse comme un fil rouge l’œuvre subtile de Naomi Kawase, et en particulier son travail documentaire. Dans le bien nommé Naissance et maternité par exemple, la cinéaste faisait le double portrait de sa propre mère adoptive et de son enfant, soulevant déjà en filigrane la question: où débute et se termine la maternité ? Le titre de cet essai pourrait être celui de True Mothers, qui poursuit cette interrogation sous la forme d’une fiction mélodramatique, témoignant de la veine plus narrative que la cinéaste explore depuis plusieurs années.

Ce nouveau film débute par une naissance où les cris de bébés sont illustrés par des images de la mer. Les humains sont entendus, mais c’est la nature qui mérite notre attention. True Mothers est un récit urbain (fait assez rare chez la cinéaste), mais on y voit pourtant tant d’arbres et de soleil qu’il n’y a aucun doute: on est bel et bien chez Kawase. Les rayons dansent à travers les branches, et les personnages essaient de façon récurrente d’attraper la lumière avec leurs mains, comme dans un jeu d’enfant émerveillé. Le cadre est familier, presque trop (et ces petites notes de piano sont bien envahissantes), mais il ne s’agit que d’une mise en place. Après cela, Kawase nous fait la surprise de changer de perspective avec grâce, donnant à son récit une structure audacieuse. En élargissant l’horizon et l’ambition du film, elle élargit aussi notre regard ébloui.

Lorsque nous l’avions interviewée pour Voyage à Yoshino, Naomi Kawase expliquait vouloir filmer « les êtres qui n’ont pas le moyen de s’exprimer ». Cela concerne la nature, à nouveau filmée comme un témoin attentif, et ce que celle-ci a à nous transmettre. Plus prosaïquement, cela concerne aussi les héroïnes de True Mothers. Grâce à l’acuité de son écriture, Kawase donne un relief bouleversant à la solitude des femmes et des jeunes filles qui dévient des normes sociales de la maternité. Comme Never Rarely Sometimes Always (un autre sommet cinématographique de l’année), True Mothers parvient avec une ardeur rare à faire ressentir deux expériences à priori opposées : l’exclusion et la chaleur humaine.

Malgré les discussions sur le sperme et les testicules qui occupent toute une partie du film, True Mothers est un superbe mélo sur la sororité, porté par d’excellentes actrices (notamment Aju Makita qui, dans le rôle de la touchante Hikari, livre l’une des meilleures performances de l’année). La ronde narrative entre les différentes protagonistes devient un cercle de femmes, à la fois sacré et secret, où l’on se transmet force et dignité comme on s’échangerait des costumes de super héroïne. Le résultat est l’un des films les plus chaleureux, directs et poignants de son autrice.


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par Gregory Coutaut

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