Critique : The Souvenir Part II

Sortant durement éprouvée de sa liaison avec Anthony, homme séduisant et manipulateur, Julie cherche à faire la lumière sur l’existence fictive qu’il s’était inventée et à mettre de l’ordre dans ses propres sentiments. Lui vient alors une idée un peu folle: et si elle consacrait son film de fin d’études à cette douloureuse histoire …

The Souvenir Part II
Royaume-Uni, 2021
De Joanna Hogg

Durée : 1h46

Sortie : 02/02/2022

Note :

JE MARCHE SEULE

The Souvenir Part II fait suite au magnifique récit d’apprentissage qu’on a pu découvrir en 2019 à la Berlinale, et ces deux films (qui peuvent être vus indépendamment) sortiront dans les salles françaises fin 2021. C’est l’occasion de découvrir une grande cinéaste jusqu’alors injustement méconnue en France et dont la précieuse filmographie avait fait l’objet d’une rétrospective au Festival de La Roche-Sur-Yon l’an passé. The Souvenir racontait une éducation sentimentale doublée d’une éducation artistique. Ce second volet raconte l’après : la fin d’un amour et son deuil, et la fin d’un apprentissage sur un tournage de film où l’héroïne réalisatrice est censée tout connaître.

Mais Julie (Honor Swinton Byrne, une fois de plus formidable) est loin de tout savoir et ce sont les imperfections des personnages de Joanna Hogg qui les rendent si émouvants. Julie est-elle trop fragile, trop naïve ou trop paresseuse ? Lorsque la jeune femme se rend chez sa psy, c’est cette dernière qui parle et pas elle. Un néon sur un plateau prévient comme il lancerait une malédiction : « You will always be lost ». Julie est-elle en pyjama ou non ? Pourquoi les autres personnages parlent comme si elle n’était pas là ? Hogg a prouvé, avec une merveille comme Unrelated, qu’elle était une très grande cinéaste de la solitude – et elle le démontre à nouveau avec ce portrait sensible et amer.

Mais l’amertume n’empêche pas la douceur. Le malaise n’empêche pas la comédie. Il y a une infinie finesse d’écriture chez Hogg qui fait qu’une scène comme celle de la tasse cassée est autant un absurde moment de comédie qu’une irruption d’hyper tension – alors qu’on ne parle que de choses intimes et domestiques. On retrouve dans ce second volet l’atmosphère cotonneuse de The Souvenir, ce grain chaleureux, cette texture d’image. Le cocon d’un milieu ridiculement bourgeois, la beauté bucolique dehors. Une bulle menacée par les brutes paternalistes, par un mal-être naturel, une discrétion dans un monde où les autres garçons n’ont aucun mal à se voir comme Orson Welles. Mais qui écoute la voix de Julie ?

Il y a quelque chose de puissant à montrer quelqu’un qui n’arrive pas à communiquer, pour réaliser qu’à la fin, son moyen de communication est… un film muet. Ce que la cinéaste a à dire passe par l’image, avec des émotions plus fortes que la vie, puissantes comme du Powell/Pressburger. « Je ne veux pas montrer la vie comme elle est mais comme je l’imagine » dit-on dans le long métrage. Il y a forcément une distance entre le souvenir et sa recréation. Mais Joanna Hogg réussit à créer une intimité, une bouleversante proximité entre ses personnages seuls et ses spectateurs seuls – cette richesse humaine et cette pudeur taiseuse sont un trésor.

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par Nicolas Bardot

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