Festival du Caire | Critique : The Hole in the Fence

Dans un camp d’été isolé au coeur de la campagne mexicaine, sous l’œil attentif de leurs tuteurs adultes, les garçons d’une prestigieuse école privée reçoivent une formation physique, morale et religieuse qui fera d’eux l’élite de demain. La découverte d’un trou dans la clôture du domaine déclenche une série d’événements de plus en plus inquiétants. L’hystérie se propage rapidement.

The Hole in the Fence
Mexique, 2021
De Joaquin del Paso

Durée : 1h40

Sortie : –

Note :

MASC FOR MASC

The Hole in the Fence se déroule dans un cadre paradisiaque. Un coin de campagne mexicaine si propre, paisible et coupé du monde qu’on se dirait en Suisse. Les arbres y sont majestueux et les couleurs si vives qu’on croirait le film tourné en technicolor. Dans cet Eden, un camp d’été religieux accueille une classe de jeunes garçons privilégiés venus apprendre la vie en communauté. Mi-enfants mi-ados, ces garçons sont la future élite de la nation : au-dessus de leurs têtes bien peignées, le ciel est toujours bleu, et rien ne semble pouvoir entraver leur glorieuse destinée.

Le réalisateur mexicain Joaquín del Paso (lire notre entretien) filme cette bulle de beauté et de confort avec une grammaire cinématographique issue du fantastique : plans symétriques, nombreux zooms et dézooms. L’écriture sème également sans tarder des graines joyeusement empoisonnées : le havre de paix en question serait bâti sur un cimetière indigène et un animal sauvage rôderait dans les bois alentours. Quand adultes et enfants découvrent un trou dans la précieuse clôture censée les protéger (des pauvres, des populations racisées, des monstres !), la tension monte encore d’un cran.

The Hole in the Fence est un film sans protagoniste, et ce n’est pas le seul pari gonflé du scénario : les différents personnages sont en effet tous d’horribles têtes à claques. Les gamins sont des petits cons racistes, classistes et homophobes, des fils-à-papa violents et sûrs de leur bon droit. Les adultes sont des prédateurs psychotiques malgré leurs belles manières. Le film s’amuse à nous mettre une eau féroce à la bouche en nous faisant miroiter leur punition et leur future souffrance à tous. Mais il est presque inutile d’attendre la venue d’un monstre à travers le trou dans la clôture: l’horreur est déjà là. En se basant sur ses souvenirs personnels, Joaquín del Paso montre le masculinisme comme le film d’horreur qu’il est vraiment. Cet entre-soi masculin, ce culte de virilité et de la cohésion fraternelle jusqu’à l’intimidation et la violence : voilà la seule non-mixité à être authentiquement dangereuse.

On peut d’ailleurs citer beaucoup de films fantastiques situés dans des pensionnats de jeunes filles, mais combien se déroulent dans un pensionnat de garçons, alors même que dans la vraie vie, la violence de ces derniers est bien plus effrayante ? La machine à perpétuer la violence masculine est une bête qui ne dort pas. La métaphore de cette mini-usine à connards devient peut-être un peu trop lisible à la longue, mais là où le film se révèle plus inattendu, c’est dans sa manière de traiter ce terrible constat avec un humour cruel et contagieux. Ce n’est plus dans les Alpes suisses qu’on se croirait alors, mais en Autriche. Jeu de massacre sans gagnants, The Hole in the Fence est à la fois un film d’horreur psychologique et une farce d’une méchanceté irrésistible. Un mélange inattendu, qui se joue lui aussi des clôtures.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article