Festival de Rotterdam | Critique : The Ballad of Suzanne Césaire

Une comédienne lit des fragments d’archives de Suzanne Césaire alors qu’elle s’apprête à interpréter des extraits de l’œuvre de l’autrice.

The Ballad of Suzanne Césaire
Etats-Unis, 2024
De Madeleine Hunt-Ehrlich

Duré : 1h15

Sortie : –

Note :

VISAGES D’UNE ABSENTE

Qui était Suzanne Césaire ? Moins célébrée que son mari, le poète Aimé Césaire, cette autrice martiniquaise était également un nom clé de la négritude et de l’afro-surréalisme, même si l’œuvre qu’elle a laissée est relativement succincte. Dans ce qui est ici son premier long métrage pour le cinéma, la plasticienne américaine Madeleine Hunt-Ehrlich lui rend hommage en se basant sur un important travail d’archivage et de nombreux entretiens avec sa famille. Le résultat ne pourrait pourtant pas être plus éloigné du biopic classique ou du documentaire explicatif. The Ballad of Suzanne Césaire est bien plus singulier que cela.

Zita Henrot interprète en anglais et en français (avec pas mal de charisme et finalement assez peu de dialogues) une actrice devant endosser le rôle de Suzanne Césaire dans un film de fiction. Hunt-Ehrlich alterne les scènes de tournage et celles du film-dans-le-film, laissant parfois planer un certain mystère sur la nature exacte de ce que l’on voit. Le projet peut rappeler Looking for Oum Kulthum de la photographe et cinéaste iranienne Shirin Neshat, mais ici la dimension méta s’efface peu à peu, évitant ainsi la lourdeur qui pouvait freiner ce dernier.

« Nous voulons faire un film sur une artiste qui ne voulait pas qu’on se rappelle d’elle », explique l’un des personnages. Pour faire le portrait en creux de Césaire, Hunt-Ehrlich construit une fiction minimaliste et séduisante à la fois. Elle filme une nature luxuriante, des paysages accueillants mais déserts, plongés dans la lumière des soirs d’été, évoquant une sorte de version tropicale des tableaux de Magritte aux absences paradoxales. A l’aide d’un important travail sur le son et la voix off, elle met en scène un hors-champ invisible, comme une histoire qui n’aurait pas laissé de trace écrite mais qui se transmettrait encore de bouche à oreille. Ce côté presque organique vient gracieusement contrebalancer la dimension cérébrale de ces discours artistiques et politiques. Enigmatique, le résultat est aussi étonnamment chaleureux.

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par Gregory Coutaut

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