Critique : Sans cœur

Été 1996, Nordeste Brésilien, Tamara profite de ses dernières vacances avant de partir à Brasilia pour ses études. Un jour, elle entend parler d’une fille surnommée « Sans Cœur » à cause de la cicatrice qui lui traverse la poitrine. Tamara ressent une attirance immédiate pour cette fille mystérieuse, qui va grandir tout au long de l’été.

Sans cœur
Brésil, 2023
De Nara Normande & Tião

Durée : 1h31

Sortie : 10/04/2024

Note :

LES CŒURS BRULÉS

Dévoilé à la Mostra de Venise, Sans cœur (Sem Coração pour son titre original) est le premier long métrage de la Brésilienne Nara Normande (lire notre entretien). On a pu découvrir cette dernière 5 ans auparavant avec le beau court multiprimé Guaxuma, un film d’une mélancolie ensoleillée réalisé grâce à une étonnante technique d’animation à base de sable. Mais si l’on remonte encore un peu le temps, jusqu’en 2014, Normande a réalisé avec Tião un court métrage également intitulé Sem Coração. Les cinéastes ont confié leur désir de se plonger plus profondément dans cet univers, librement inspiré de la jeunesse de Nara Normande à Alagoas, l’un des états les plus pauvres du Brésil.

Produit par Kleber Mendonça Filho, Sans cœur s’ouvre en immersion sous-marine ; c’est une plongée merveilleuse où les animaux marins sont filmés comme des créatures fantastiques. Mais qu’en est-il sur terre ? Où le cœur des protagonistes de Sem Coração bat-il ? Tout ressemble à des vacances dans le long métrage, tout semble terrain de jeu. Sans cœur est une école sentimentale buissonnière, c’est aussi – notamment pour les gamins queer – un apprentissage dans la clandestinité. Car derrière le soleil, derrière la superbe eau turquoise, il y a un sens du danger.

Lors d’une scène de Sans cœur, un film d’horreur est regardé à la télé par quelques ados qui ont tous une mine neutre. La violence à l’écran n’a pas l’air de les toucher, un peu comme celle à laquelle ils sont confrontés quotidiennement. Il y a la douceur de la photographie signée Evgenia Alexandrova, il y a le bruit lancinant du ressac, mais les jeunes protagonistes de Sans cœur passent leur temps dans les maisons des autres, dans des maisons éventrées, près de piscines vides et d’endroits abandonnés. Normande et Tião ne dépeignent pas seulement un décor déliquescent mais une jeunesse à l’abandon, dans les mangroves et sur les routes.

La structure libre offre à Sans cœur une singularité et une charmante langueur. Le privilège est donné à l’ambiance plutôt qu’à un récit aux étapes précises. Cette construction délicate prive parfois le film de nerf et de corps, et le refus du spectaculaire peut flirter avec l’anecdote. Mais il y a néanmoins une touchante étincelle, qu’elle soit fantastique ou sentimentale, dans ce long métrage qui débute dans des vagues berçantes et dont les derniers instants sont prêts à s’enflammer.

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par Nicolas Bardot

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