Critique : Blaga’s Lessons

Blaga, enseignante à la retraite, est victime d’une arnaque téléphonique. Afin de récupérer la somme, Blaga commence à travailler pour ceux qui l’ont escroquée. La femme autrefois honnête commence à sacrifier tous ses principes.

Blaga’s Lessons
Bulgarie, 2023
De Stephan Komandarev

Durée : 1h54

Sortie : 08/05/2024

Note :

L’ECOLE DE LA VIE

Réalisé par l’expérimenté Stephan Komandarev (dont on avait pu voir entre autres Taxi Sofia, sélectionné à Un Certain Regard avant sa sortie française en 2017), Blaga’s Lessons a pour héroïne une femme vieillissante qui se retrouve prise au piège d’un dilemme moral. Blaga, ex-enseignante bulgare de 70 ans, vient de perdre son mari, « qui croyait plus en Lénine qu’en Jésus ». Prévoyante, Blaga a économisé des sous pour l’enterrement de celui-ci – et à vrai dire, son enterrement à elle est d’ores et déjà considéré. Tout est donc prévu, mais tout va voler en éclats lorsque Blaga va être victime d’une stupide arnaque téléphonique.

Les malheurs s’abattent alors sur la septuagénaire : il y a celui, bien sûr, de ne plus avoir les moyens de financer les funérailles de son époux. Le cinéaste raconte avec acuité la violence du constat que sa propre vie ne vaut absolument rien, et élargit le cadre sur cette observation cynique et glaçante : les pauvres, dans un tel système de déshumanisation, sont amenés à se dévorer entre eux. Mais au-delà de cette urgence matérielle qui pourrait être le moteur de bien des drames sociaux (comment trouver l’argent ?), il y a un autre malheur qui submerge Blaga : celui de la honte. Blaga, une femme responsable et droite dans ses bottes, est escroquée comme une gogo au téléphone, et au désarroi financier s’ajoute l’humiliation.

Blaga’s Lessons pourrait flirter avec le misérabilisme mais c’est la dynamique du film qui lui permet d’éviter cet écueil. Ce qui donne du relief au long métrage, c’est le parcours de l’héroïne, son évolution à elle, cette tension entre l’horreur sociale et la cruauté camp. Blaga’s Lessons dépeint de manière convaincante la détresse et la solitude grâce à un scénario bien construit, même si le film aurait gagné à éviter quelques longueurs. Le long métrage pourrait avoir un regard formel plus singulier, mais il gagne en aspérité en chérissant l’immoralité comme seule voie, et en refusant le confort didactique jusqu’au dénouement. Les « leçons » du titre sont d’une amère ambiguïté, apprises ou enseignées malgré elle par une protagoniste brillamment interprétée par Eli Skorcheva.

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par Nicolas Bardot

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