Festival CPH:Dox 2019 | Critique : Romantic Comedy

Elizabeth Sankey explore le passé, le présent et l’avenir des comédies romantiques.

Romantic Comedy
Royaume-Uni, 2019
De Elizabeth Sankey

Durée : 1h18

Sortie : –

Note :

BAD ROMANCE

A travers un incalculable nombre de films où l’on peut croiser Doris Day comme Drew Barrymore, Rosalind Russell comme Sarah Michelle Gellar, la Britannique Elizabeth Sankey observe le genre de la comédie romantique sous toutes ses coutures. Qu’est-ce qu’il y a sous le rose de ce genre à la fois adoré et méprisé ? L’une des premières qualités de ce documentaire est son honnêteté : Romantic Comedy est conçu par quelqu’un qui aime sincèrement le genre et qui ne le regarde pas comme un sujet à moqueries. Sankey est amoureuse, mais pas dupe. Elle nous invite à partager sa fascination d’adolescente banlieusarde, entre ennui et anxiété, pour des films où l’on peut se plonger comme dans un rêve.

Mais que reste t-il lorsque le rêve se dissipe ? Sankey évoque l’évolution de son point de vue après s’être elle-même mariée – soit au moment où la plupart des comédies romantiques s’achèvent. C’est à une histoire du cinéma que l’on assiste, remontant le temps des femmes puissantes peuplant le cinéma féministe des années 30, du pouvoir sexuel inédit d’icônes comme Marilyn dans les 50s jusqu’aux modèles crypto-misogynes contemporains. Que dit la romance et comment les femmes y sont regardées ? Sankey questionne avec pertinence cet étrange paradoxe d’un genre conçu avant tout pour le public féminin mais, à quelques Nora Ephron près, créé par des hommes à la caméra ou à la production.

Plus tordu encore : Sankey égrène de manière convaincante les exemples de comédies romantiques dédiées aux femmes mais dont le propos consiste avant tout à rassurer le public masculin. Le leitmotiv de la femme à sauver, l’ultimate cool girl qui doit faire semblant d’aimer les mêmes choses que son mec, la muse qui doit servir et nourrir la grandeur masculine… A y regarder de plus près, les portraits sont souvent toxiques. Sankey explore également ces romances qui valident les comportements masculins agressifs, qui ont une vision particulièrement discutable du consentement où le stalker est un bel amoureux : des points de vue tout aussi néfastes pour les garçons nombreux qui les avalent.

Le film va plus loin que cette opposition binaire (mais déjà riche d’enseignement) entre femmes et hommes. Sankey constate l’aspect ultra-normatif du genre, quasi-exclusivement blanc et hétéro. Un écran noir accueille l’illustration des romances mettant en scène des protagonistes lesbiens, bi, trans. On parle certes dans la romcom d’une dimension de fantasme – mais celle-ci ne concernerait donc aucune minorité. Romantic Comedy ausculte ce genre hétéro-normatif en diable… mais l’autrice ne se ménage pas pour autant. Car s’il y a très peu de romcom LGBT, ces romances existent dans les marges, et Sankey elle-même avoue ne pas être allée vers elles. Un manque d’intérêt pour l’altérité nourrie par un genre aussi codé que refermé sur lui-même.

Elizabeth Sankey, pour réaliser Romantic Comedy, est sortie de cette boite et évoque notamment des films qui empruntent énormément à la structure de la comédie romantique comme Seule la terre – mais cette fois entre deux hommes paysans plutôt que dans un milieu éternellement (simili-)bourgeois et blanc. La confection de Romantic Comedy n’évite pas l’académisme dans son montage d’images ou dans ses remplissages musicaux mais, à la différence d’un Beyond Clueless assez léger (tentative voisine, mais sur le teen movie), le film propose un point de vue assez complexe et nuancé sur un genre généralement regardé de haut.

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par Nicolas Bardot

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