Critique : Ripples of Life

Un tournage a lieu dans la petite ville reculée de Yong’an. La venue d’une équipe de tournage bouleverse Gu, la patronne d’un petit restaurant. Elle rêve d’une autre vie et se fraie une place sur le tournage. Chen, devenue star de cinéma, revient dans sa ville natale où elle espère retrouver ses amis d’enfance et ses beaux souvenirs. Un débat sans fin persiste entre le réalisateur et le scénariste. Le tournage doit commencer, même si le consensus n’est jamais atteint

Ripples of Life
Chine, 2021
De Wei Shujun

Durée : 2h03

Sortie : –

Note :

ENTRE LES VAGUES

En à peine trois ans, Shujun Wei est déjà devenu un quasi-habitué cannois. En 2018 son court métrage On the Border recevait une mention spéciale, en 2020 son premier long Striding Into the Wind (encore inédit en France) recevait le Label Cannes, et le voilà cette année à la Quinzaine des réalisateurs avec Ripples of Life. Ripples of Life est le titre du film que tournent les personnages du film, tous membres plus ou moins actifs d’une équipe de cinéma débarquée dans le village de Yong’An. Ce tournage est prétexte à un portrait de différents personnages liés au village : ceux qui y sont nés, ceux qui y reviennent malgré eux, ceux qui le traversent sans rien chercher à comprendre.

« Il ne se passe jamais rien à  Yong’An » s’amuse-t-on a répéter ici. A l’image de ce tournage catastrophe qui peine à avancer comme il devrait, la vie ressemble à une ronde sans fin dans ce village. On promène mamie autour d’une table ronde, comme s’il n’y avait aucun ailleurs possible. Les conversations entre locaux et techniciens se superposent sans se croiser, comme si le dialogue était déjà impossible. On imite les accents des autres pour s’amuser, mais personne n’a rien à offrir de plus tangible. Le constat est d’autant plus cruel que Ripples of Life est un film à l’élégance toute généreuse, riche de couleurs vives mises en valeur par les lumières de fin de journée et de nuit.

« Il ne se passe jamais rien à  Yong’An » : on soupçonne que cette formule soit juste une blague pour les mecs, et qu’elle soit une triste réalité pour les femmes. Divisé en trois récits, le film s’attache d’abord à deux héroïnes. Il y a d’abord une jeune fille du coin qui aimerait bien être repérée et fuir son horizon restreint, mais qu’on n’engage que comme potiche. Il y a la star revenant au village de son enfance, incapable malgré sa bonne volonté de renouer les liens avec ses anciens amis. Sur un plateau de tournage ou dans une parade locale, ces jeunes femmes baratinées ne sont nulle part à la place qu’elles méritent. Pendant ce temps-là, les hommes fanfaronnent à la barre d’un bateau qui coule sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Shujun Wei mélange avec succès amertume, mélancolie et humour, même si la formule perd un peu de son efficacité au moment de se concentrer sur les personnages masculins, moins émouvants. L’ensemble aurait peut-être gagné à prendre quelques raccourcis par-ci par-là, mais il offre l’une des fins les plus mémorables de cette édition du Festival de Cannes. Par un choix musical décalé que l’on ne dévoilera pas, qui peut évoquer l’ironie présente dans les fictions récentes de Jia Zhang-Ke, le cinéaste fait preuve d’un élégant sens de l’absurde.

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par Gregory Coutaut

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