Festival de Cannes | Critique : Benedetta

Au 15e siècle, alors que la peste se propage en Italie, la très jeune Benedetta Carlini rejoint le couvent de Pescia en Toscane. Dès son plus jeune âge, Benedetta est capable de faire des miracles et sa présence au sein de sa nouvelle communauté va changer bien des choses dans la vie des sœurs…

Benedetta
France, 2021
De Paul Verhoeven

Durée :

Sortie : 09/07/2021

Note :

SŒUR SOURIRE

Paul Verhoeven a longtemps eu un projet de long métrage consacré à Jésus – mais c’est finalement Benedetta qui, après des années d’attente, a fini par voir le jour. Et il est fortement question de Jésus dans Benedetta, invoqué, rêvé, caressé – en tout cas pas vraiment comme on l’attend. Car si l’on sait le caractère évidemment iconoclaste du cinéaste néerlandais (qui, comme en témoigne son récent et acrobatique Elle, n’a rien perdu de sa verve avec les années), difficile d’anticiper ces scènes joyeusement grotesques où Jésus est vu comme un sauveur de film d’action, tranchant têtes humaines et queues de serpents dans de grandes gerbes de sang. Oui, le spectacle ici n’oublie jamais d’être du meilleur mauvais goût.

En parlant de meilleur mauvais goût, existe-t-il aujourd’hui des cinéastes autres que Verhoeven pour faire un cinéma aussi camp tout en n’étant pas un cinéaste queer ? Car camp, Benedetta l’est à tous les étages : l’absence de peur du ridicule, l’outrance chérie et mise en avant, le concept-même de Charlotte Rampling en bonne-sœur perverse (et il faut voir Charlotte Rampling dans son carrosse, balayer d’un revers de main et rictus pincé une lettre de Jésus), l’écriture jubilatoire des dialogues (« aucun miracle ne s’est jamais produit dans un lit »). Chez Verhoeven comme chez ceux qui savent le manier, le camp élargit les champs, les tonalités, les sous-textes avec un ludisme trop rare dans un cinéma actuel où l’on privilégie avant tout le sérieux.

Mais sérieux, Benedetta l’est pourtant. Benedetta est sérieux lorsqu’il évoque le sexe comme un dévastateur outil de pouvoir social, comme un moyen d’émancipation, et comme quelque chose qui rend tout le monde dingue, plus particulièrement les institutions aussi moralisatrices que pestiférées (comme ici l’Église). L’histoire, les thèmes et les ambiguïtés d’ici rappellent assez largement Basic Instinct – pas vraiment un film de nonnes – mais il est assez aisé de tracer des liens entre Benedetta Carlini et Catherine Tramell.

Si le film pourrait être plus généreux formellement, c’est cette ambivalence permanente qui fait le rutilant moteur de Benedetta, drame historique sérieux et farce galvanisante en un même geste : le regard de Verhoeven, l’écriture, l’interprétation formidable de Virginie Efira obéissent toujours à l’un et l’autre à la fois. Ce n’est pas une prouesse à laquelle on peut assister si souvent : profitons-en avec ce film frondeur et réjouissant.

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par Nicolas Bardot

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