Critique : Pierre feuille pistolet

Un van polonais sillonne les routes d’Ukraine. A son bord, Maciek Hamela évacue des habitants qui fuient leur pays depuis l’invasion russe. Le véhicule devient alors un refuge éphémère, une zone de confiance et de confidences pour des gens qui laissent tout derrière eux et n’ont plus qu’un seul objectif : retrouver une possibilité de vie pour eux et leurs enfants.

Pierre feuille pistolet
Pologne, 2023
De Maciek Hamela

Durée : 1h25

Sortie : 08/11/2023

Note :

EN ROUTE

Pierre feuille pistolet débute dès le premier plan dans une voiture que nous ne quitterons pratiquement pas. Le réalisateur polonais Maciek Hamela, qui signe ici son premier long métrage, est à bord de ce van qui transporte des personnes ukrainiennes vers des zones plus sûres. A travers les vitres du véhicule, c’est la désolation attendue : ponts détruits, cimetières de voitures, immeubles éventrés tandis que résonnent des détonations plus ou moins proches. Le ronronnement rassurant de la voiture est recouvert par les voix des passagers qui racontent leurs tristes expériences.

A l’image de Taxi Téhéran de Jafar Panahi, Hamela crée une sorte de refuge en mouvement, un lieu où l’on peut s’épancher tandis que le quotidien dehors peut être impitoyable. Cela passe par le récit d’une vache abandonnée ou des félicitations adressées à un chat intelligent. Ce sont aussi les tortures infligées (« la première fois on a peur, mais après ça va »), les constats macabres sur les tombes creusées à proximité des habitations. Le huis clos permet à la parole de circuler entre les passagères et passagers, dans un film qui ne fonctionne pas tant que ça sur une dynamique classique d’entretiens.

Qu’y a-t-il au bout des trajets ? Un autre pays, des membres de la famille. Et quid du lendemain ? Une jeune femme se projette dans son futur travail une fois que la guerre sera achevée, des enfants apercevant un plan d’eau se réjouissent de l’été prochain où ils pourront revenir et y plonger. Les enfants occupent une place importante dans le documentaire, et Hamela porte une attention particulière aux questions qu’ils ne devraient pas se poser si jeunes – des gamins dont même les jeux sont transformés par la guerre.

Les individus se succèdent en un ballet incessant à bord du véhicule. Le film adopte un point de vue complémentaire avec d’autres longs métrages récents traitant de la guerre et du sort des personnes réfugiées en Europe. Dans In Ukraine, le documentaire (là aussi signé par des Polonais) reste sur place et montre comment, malgré tout, la routine s’installe dans ce contexte tristement extraordinaire. Dans le drame Green Border, Agnieszka Holland constate amèrement le racisme infernal dont sont victimes des réfugié.e.s racisé.e.s à la frontière en Pologne tandis que plus d’un million d’Ukrainien.ne.s ont été accueilli.e.s. Le film de Maciek Hamela est un témoignage fort, habité par un espoir humaniste, mais le dernier plan souligne que les trajets de ce van sont loin d’être terminés.

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par Nicolas Bardot

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