Critique : La Passion de Dodin Bouffant

Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. A force de passer du temps ensemble en cuisine, une passion amoureuse s’est construite entre eux où l’amour est étroitement lié à la pratique de la gastronomie. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle.

La Passion de Dodin Bouffant
France, 2023
De Tran Anh Hung

Durée : 2h14

Sortie : 08/11/2023

Note :

CUISINE D’AUTREFOIS

La cuisine est elle un art ? La question est ici évoquée à plusieurs reprises, mais toujours balayée d’un haussement d’épaules par les personnages. On comprend assez vite que La Passion de Dodin Bouffant n’est pas là pour se pencher sérieusement sur de grandes interrogations. Il n’en reste pas moins qu’on peut aisément faire un parallèle entre le dernier film de Tran Han Hung et les très nombreux biopic paresseux d’artistes. Ces films qui, par le classicisme sans imagination de leur écriture et de leur mise en scène, finissent ironiquement par rendre l’inverse d’un hommage à celles et ceux qui ont su révolutionner leur domaine. Artiste ou non, Dodin-Bouffant avait tout du moins une imagination culinaire hors normes, or le cinéaste vietnamien nous raconte ça en suivant la moins imaginative ds recettes.

Le film laisse beaucoup de place à la cuisine, s’ouvrant avec une séquence de vingt minutes dépourvue d’intrigue et entièrement consacrée à la cuisson d’un festin. On peut être reconnaissant au long métrage de nous épargner une introduction biographique de son protagoniste et de nous plonger directement dans la marmite, mais pour réellement pouvoir parler d’audace, il faudrait que la mise en scène propose autre chose que des effets faciles : caméra qui s’approche des plats frémissants, bruits de cuisson amplifiés comme dans une pub, et même des bruits d’oiseaux et des sons de la campagne made in Herta. L’expression anglaise foodporn prend ici tout son sens: comme devant un film de cul, on est effectivement mis en appétit devant ces délices, mais quel mérite artistique le cinéaste a-t-il à titiller nos réflexes à coups de ficelles certes efficaces mais grossières ?

Paradoxalement, cette séquence superficielle reste pourtant la plus divertissante du film qui s’empêtre dans le ridicule dès qu’il quitte les fourneaux. La faute aux dialogues parmi les pires de l’histoire du cinéma : quand ils ne se contentent pas de lister des recettes à des moments improbables, ces personnages de bourgeois satisfaits de leur bons mots déclament des énormités telles que « ce plat chante la beauté du territoire français ». Cette carte postale qui vient nous dire que c’était mieux avant est si ringarde qu’on s’attend à y croiser Gerard Depardieu et Fanny Ardant qui cabotineraient en venant chercher leur chèque. Si Benoit Magimel se contente de plisser les paupières l’air inspiré pendant deux heures, Juliette Binoche se montre plus investie et généreuse dans le rôle d’une cuisinière nommée Eugénie (un hommage au Miel et les abeilles ?). C’est la seule épice qui vient relever un peu cet étouffe belle-mère proche de la parodie.

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par Gregory Coutaut

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