Festival des 3 Continents | Critique : Pedro

Pedro est un électricien menant une vie invisible dans un village forestier de l’ouest de l’Inde. Pedro vit avec Julie, le fils et la mère de celle-ci. Lorsque Pedro est amené à changer de poste, il se retrouve impliqué dans divers incidents…

Pedro
Inde, 2021
De Natesh Hegde

Durée : 1h48

Sortie : –

Note :

PLUIE D’ENFER

Il pleut pratiquement sans cesse dans Pedro, premier long métrage du jeune Indien Natesh Hegde (lire notre entretien). C’est une pluie qui semble d’abord enveloppante, il y a ici une douceur et une quiétude apparentes dans ce décor qu’on a le sentiment de voir filmé comme jamais auparavant. Mais cette pluie qui ne s’arrête guère est aussi une tristesse, elle semble exprimer quelque chose d’inéluctable et d’implacable pour les personnages qui finiront trempés jusqu’aux os. Plus particulièrement Pedro, un modeste électricien qui est l’antihéros de ce film.

Pedro, pour son travail, est habitué à grimper sur de hauts poteaux mais c’est sa chute que le cinéaste raconte ici. Au début du film, la mort d’un autre homme est accueillie avec un curieux détachement : « c’est fâcheux, c’était un bon chasseur ». Pedro, lui, est un triste sire méprisé de toute part, et ce de plus en plus par une communauté qui a décidé de ne pas vouloir de lui. C’est un personnage secret, pas un héros-Tintin mais un protagoniste avec des aspérités. Une sorte de héros de fable, ou échappé d’un conte russe. « Trouve-toi un vrai job » lui dit-on avec arrogance et le film trouve un équilibre d’écriture très subtil entre la dimension pathétique de Pedro mais aussi l’empathie qu’il parvient à susciter.

Les fils ressembleront-ils à leurs pères ? C’est une question ou plutôt une crainte évoquées le temps d’une réplique dans Pedro. Plus largement, le film explore le poids écrasant de la communauté, des normes sociales – et le cadenas qui peut rester indéfiniment verrouillé pour les malheureux qui ne correspondent pas à ce qu’on attend d’eux. Hegde explique que pour cette histoire, il s’est inspiré autant d’éléments vécus par son père (qui interprète le rôle principal) que par lui-même.

Cette première réalisation est une vraie révélation. La mise en scène est souvent d’une très grande beauté, et installe régulièrement de superbes respirations contemplatives, comme un air qui rentre dans le film, un silence étrange, un mystère qui grandit. Le mauvais esprit général établit un intéressant dialogue avec cette façon de filmer la nature, de regarder les personnages avec cœur. On commence à ne plus compter les formidables découvertes du jeune cinéma d’auteur indien : Natesh Hegde en est une nouvelle.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article