A voir en ligne | Critique : Nina Wu

Nina a quitté sa famille et sa ville de province depuis 8 ans, pour s’installer à Taipei dans l’espoir de faire une carrière d’actrice. Elle n’a jusque là tourné que quelques courts-métrages et des publicités. Elle complète ses revenus en animant un programme en live-stream. Son agent, Mark, insiste pour qu’elle auditionne pour le rôle principal d’un film d’espionnage se passant dans les années 60.

Nina Wu
Taïwan, 2019
De Midi Z

Durée : 1h43

Sortie : 08/01/2020

Note :

MON BEAU MIROIR 

8e long métrage du réalisateur d’origine birmane Midi Z, Nina Wu est le tout premier à avoir bénéficié d’une sélection à Cannes. Quelle drôle de porte d’entrée dans l’œuvre du cinéaste, qui était jusqu’ici composée de portraits et documentaires sans compromis de son pays. Les très sérieux récits de travailleurs clandestins ou de moines laissent ici place à une histoire d’actrice/espionne si chatoyante et rocambolesque qu’il y a de quoi se demander si on a, de fait, poussé la bonne porte.  Ça tombe bien, Nina Wu est lui-même un film plein de portes inattendues et mystérieuses. Dès sa superbe séquence d’ouverture, Nina et Midi nous hypnotisent.

Nina Wu, apprentie actrice, se perd entre fiction et réalité. Entre explosions et courses poursuites, elle erre dans un luxueux jeu de miroirs où elle se rêve tantôt victime aux abois, tantôt en femme fatale saphique. Ça pourrait être le pitch d’un Sono Sion ou d’un Satoshi Kon, mais à la folie sans limite de ces derniers, Midi Z semble préférer des références occidentales. Que Midi Z cite Besson, même brièvement, voilà l’un des ponts cinématographiques les plus imprévisibles et imprévus de l’année. A quel point faut-il y croire ?

Nina Wu est le film le plus virtuose formellement de Midi Z. Il n’y a pas une scène qui ne soit superbe, rien que ça. C’est également le premier film dont il ne signe pas le scénario. Celui-ci est en effet signé Wu Ke-Xi, qui joue ici le rôle principal. Cette histoire d’actrice au bord de la folie lui a été inspirée par sa propre histoire, mais également par l’affaire Weinstein. C’est sans doute là que se trouve la différence avec les cinéastes cités plus haut : dans le point de vue sur la protagoniste.

Nina est traitée comme une poupée (de chiffon, ou carrément gonflable) par les producteurs et réalisateurs qu’elle croise. Le risque était alors de la traiter avec aussi peu d’égards, de ne la filmer que comme une souris de laboratoire égarée dans un labyrinthe scénaristique (ce qu’aurait fait Besson). Wu Ke-Xi et Midi Z se permettent des clins d’œil parfois improbables, voire bancals, mais derrière la facétie des codes hollywoodiens, il y a là un coeur qui bat avec sincérité et sérieux, sans ironie.


>>> Nina Wu est visible en vod sur UniversCiné

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par Gregory Coutaut

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