Critique : Moonage Daydream

Moonage Daydream est une odyssée cinématographique à travers l’œuvre créative et musicale de David Bowie. Dévoilant des images inédites, le documentaire a été réalisé par Brett Morgen et a nécessité cinq ans de travail, avec le soutien et la complicité de la famille et des collaborateurs de Bowie.

Moonage Daydream
Etats-Unis, 2022
De Brett Morgen

Durée : 2h20

Sortie : 21/09/2022

Note :

MA SEULE ÉTOILE EST MORTE

« Il faut beaucoup de recul pour trouver l’individu qui est en soi » : la citation est de David Bowie lui-même, et on serait effectivement bien en peine de trouver à la question « qui fut Bowie ? » un point final ou même un point de départ, tant les vertigineux virages artistiques de sa carrière rendent le personnage insaisissable. En matière de définition presque impossible, on pense d’ailleurs à David Bowie Is, titre magique et ironique, sans adjectif ni ponctuation, de l’exposition que lui avait consacré la Philarmonie il y a quelques années. Où chercher un point d’origine, de naissance, au personnage Bowie ?

Auteur de déjà nombreux documentaires de qualité (The Kid Stays in the Picture, Cobain Montage of Heck, Jane…), Brett Morgen ne choisit pas l’évidence biographique de se pencher sur le véritable berceau de David Jones (nom d’état civil de Bowie). Comme son titre l’indique, Moonage Daydream débute dans un autre lieu de naissance : dans l’espace. Bowie déboule dans le film comme il a débarqué dans la vie de ses innombrables fans, tel un extraterrestre musical au look improbable et à la musique en forme de coup de foudre, avec justement des chansons sur l’espace qui lui collait bien à la peau : Space Oddity, Life on Mars ?, Starman, The Prettiest Star, Lady Stardust

Morgen utilise une approche kaléidoscopique efficace, proche de celle déjà à l’œuvre dans son film sur Kurt Cobain. Des animations (bien moins nombreuses que dans Montage of Heck) viennent illustrer certains morceaux de façon abstraite, accompagnant des extraits de clip, de concerts (il fait noter la belle place laissée ici aux performances live de Bowie, mettant en avant sa danse et sa gestuelle), de performances télévisées. A l’exception de quelques déclarations d’amour de fans à travers des images d’archives, la seule voix présente dans le film est celle de Bowie lui-meme : il y a les chansons bien sûr mais aussi des extraits d’interviews de différentes époques, pour la plupart déjà bien connues des admirateurs.

Voilà justement la limite à laquelle se heurte le documentaire : une fois sa forme multiple et généreuse identifiée, le film s’enferme dans un programme finalement prévisible. D’abord en suivant le fil chronologique de sa carrière (donnant un train d’avance à quiconque sait distinguer entre elles les 5 dernières décennies), puis en ne transcendant jamais son propre regard de fan béat aux yeux pleins d’étoiles. En revoyant ces décennies d’entretiens, on se rend compte que Bowie (qu’il soit espiègle, tremblotant de coke ou faussement naïf) adore parler de lui mais sans jamais dévoiler la même chose, faisant semblant de concéder à ses interlocuteurs le bénéfice d’avoir percé le mystère pour mieux se contredire quelques scènes plus loin.

A force de ne pas vouloir gratter ce qui se cache derrière ce qu’on peut quand même parfois nommer des simagrées de poseur (qui n’entament rien au génie unique de Bowie), Moonage Daydream reste au stade du portrait sympathique et chatoyant dans lequel on n’apprend strictement rien. Ce qui ne veut pas pour autant dire que l’on ne ressent rien. Ce voyage en orbite est un peu plus superficiel qu’espéré, mais la vue demeure vaste et belle.

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par Gregory Coutaut

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