Critique : Les Poings desserrés

Dans une ancienne ville minière en Ossétie du Nord, une jeune femme, Ada, tente d’échapper à la mainmise étouffante d’une famille qu’elle rejette autant qu’elle l’aime.

Les Poings desserrés
Russie, 2021
De Kira Kovalenko

Durée : 1h36

Sortie : 23/02/2022

Note :

TOUJOURS LE POING LEVÉ

Ada vit dans une petite ville de Russie qui ressemble à un chantier perpétuellement pris dans un matin d’hiver glacé. Les murs de l’appartement ont beau être recouverts de tapis isolant, on devine que son quotidien est balayé par des vents glaçants, aux sens propres et figurés, et que malgré son regard fier, elle tremblotte dans sa doudoune trempée de neige fondue. Ada ne répond pas toujours quand on l’appelle, mais quand on la secoue pour de bon (comme sur la banquette arrière d’une voiture, lors d’une étrange punition), elle sourit. Est-ce par défi ou est-ce un autre vent de folie qui guette ?

Ce récit d’adolescente seule contre tous, contre une cellule familiale et une société patriarcale étouffantes, on a l’impression de bien le connaître d’avance et d’en voir régulièrement des illustrations venues de tous pays. Dans sa mise en place, Les poings desserrés ne dévie pas beaucoup de ce à quoi on s’attend dans ce genre d’histoire, qui pourrait se passer à peu près n’importe où. Il faut savoir être patient et attendre un peu pour qu’éclose une aspérité qui vient apporter un grain de sel sur des blessures mal refermées. Élève d’Aleksandr Sokurov, la cinéaste Kira Kovalenko parvient à bâtir un film au ton singulier, qui donne l’impression d’être sans cesse sur le point de nous faire une révélation tordue.

Ada se comporte comme un frère avec son prétendant, et vice-versa. Elle prend soin de son père, mais hésite également à le laisser crever. Quand elle fait l’amour, cela donne la scène de sexe la plus bizarre vue depuis longtemps. Les non-dits (maladie cheloue ? Inceste ?) viennent apporter un relief précieux et étrange à ce portrait de jeune fille qui, un peu comme le chien du quartier, est autant une bête dangereuse qu’un toutou placide. On retrouve alors ce qui a sans doute plu à la cinéaste Andrea Arnold au moment de décerner au film le Prix Un Certain Regard l’an dernier à Cannes. Un détail amusant en guise de conclusion : au détour d’une scène, Ada cache de son propre chef la clé qui pourrait la libérer, soit comme Catherine, l’héroïque des Hauts de Hurlevent… justement adapté par Arnold.

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par Gregory Coutaut

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